« Restaurant, concert… Je suis payée 27 euros de l’heure pour faire la queue à la place des gens »
Alors que le temps devient un luxe que beaucoup ne peuvent plus se permettre, de nouveaux métiers insolites émergent pour répondre à des besoins du quotidien. L’un d’eux attire particulièrement l’attention : faire la queue à la place des autres. Un service atypique… mais lucratif.
Attendre des heures pour une table au restaurant, des billets de concert ou la sortie d’un nouveau produit high-tech : voilà une réalité que certains refusent d’endurer. À Londres, un homme a flairé le bon filon et en a fait sa profession. Selon un reportage du média britannique The iPaper, ce travailleur anonyme a tout simplement abandonné son emploi pour se consacrer à temps plein à une activité jusque-là marginale : faire la queue à la place des autres, contre rémunération.
« Je fais ça toute la semaine maintenant », confie-t-il. Qu’il s’agisse de patienter devant une enseigne gastronomique ou d’effectuer des démarches postales, il enchaîne les missions sans relâche. Et ses clients sont prêts à débourser des sommes conséquentes pour s’éviter l’attente.
Une rémunération qui peut grimper très haut
Le tarif de base : 24 livres de l’heure, soit un peu plus de 27 euros. Mais selon la complexité de la tâche et la durée d’attente, la facture peut dépasser les 100 livres sterling. Une attente de trois heures ? Rien d’inhabituel pour cet employé du bitume. « Certaines personnes préfèrent payer pour pouvoir se détendre ou travailler tranquillement », explique-t-il, conscient de proposer un service à la fois simple et précieux.
Son activité principale repose sur la plateforme Taskrabbit, un site spécialisé dans les services ponctuels. À Londres, la demande est particulièrement forte dans le domaine de la restauration : des clients fortunés n’hésitent pas à déléguer la file d’attente pour récupérer des plats ou réserver leur place dans des établissements très en vogue.
Une tendance née de l’ère des réseaux sociaux
Dans une époque marquée par la viralité, certains établissements culinaires deviennent de véritables phénomènes sociaux. Il suffit qu’un plat fasse le buzz sur TikTok ou Instagram pour que des foules se pressent devant les enseignes concernées. Et dans ce contexte, le « fileur » professionnel devient un chaînon indispensable du système.
Les jeunes adultes sont nombreux à céder à ces nouvelles modes, quitte à faire des heures de queue. Mais ceux qui en ont les moyens préfèrent s’éviter cette épreuve. Le résultat est une nouvelle économie parallèle, fondée sur le gain de temps, le confort et une certaine forme d’ultra-délégation du quotidien.
Le développement des « petits services » personnalisés
Faire la queue n’est qu’un des nombreux exemples d’une tendance plus large : la montée en puissance des services personnalisés, proposés par des indépendants via des plateformes numériques. Aujourd’hui, on peut louer les compétences de quelqu’un pour monter un meuble, faire les courses, sortir le chien… et même patienter devant une boutique.
Cette mutation du monde du travail crée de nouvelles opportunités, mais aussi un clivage. Elle met en lumière une société où ceux qui ont de l’argent peuvent déléguer les tâches les plus ingrates, pendant que d’autres les accomplissent à la chaîne pour boucler leurs fins de mois. Mais pour les prestataires comme ce Londonien, c’est une façon librement choisie d’en tirer un revenu confortable.
Le métier de « queueur » n’est peut-être qu’un aperçu de l’avenir du travail urbain, entre utilité réelle et curiosité sociale. Une chose est sûre : tant qu’il y aura des files d’attente, il y aura sans doute quelqu’un de prêt à les monnayer.








