Rassemblement national : Après les assistants parlementaires, des soupçons de détournements financiers au Parlement
Déjà fragilisé par l’affaire des assistants parlementaires fictifs, le Rassemblement national fait de nouveau l’objet d’accusations lourdes.
Selon une enquête coordonnée entre plusieurs médias européens, le groupe d’extrême droite et ses alliés au Parlement de Strasbourg sont soupçonnés d’avoir détourné plus de 4,3 millions d’euros de fonds européens entre 2019 et 2024. Une affaire qui pourrait relancer le débat sur la probité du parti à la veille d’échéances majeures.
Un nouveau scandale financier européen en vue
Le rapport révélé ce jeudi par Le Monde, Die Welt, Falter et l’émission allemande Kontraste pointe de multiples irrégularités dans la gestion financière du groupe parlementaire « Identité et démocratie » (ID), dont le Rassemblement national est un pilier majeur. Selon la direction des affaires financières du Parlement européen, plus de 4,3 millions d’euros auraient été utilisés de façon abusive, en contradiction avec les règles d’attribution des subventions allouées aux groupes politiques.
L’accusation centrale : des marchés attribués à des entreprises liées à des proches de Marine Le Pen, pour des prestations dont la régularité est largement contestée. L’écho avec l’affaire des assistants parlementaires, qui avait déjà coûté 4,5 millions d’euros à l’Union européenne, est évident.
Les sociétés Chatillon et Blanc dans le viseur
Parmi les bénéficiaires de ces fonds, deux noms ressortent avec insistance. Frédéric Chatillon, ancien conseiller en communication de Marine Le Pen, et son épouse Sighild Blanc, sont au cœur des soupçons. Le premier, via son ancienne société e-Politic, aurait empoché 1,7 million d’euros grâce à un appel d’offres qualifié de « purement formel » et de « non conforme » par les inspecteurs européens.
Quant à Sighild Blanc, dirigeante de l’entreprise Unanime, elle aurait reçu 1,4 million d’euros pour des travaux d’impression, sous-traités à prix réduit avec une marge de plus de 260 000 euros. Les enquêteurs considèrent que ces prestations sont entachées d’un conflit d’intérêts flagrant, et dénoncent des liens structurels entre ces sociétés, le RN, et des cercles néofascistes issus du GUD (Groupe union défense).
Des dons éloignés du mandat parlementaire
Mais les irrégularités ne se limitent pas à des marchés publics douteux. Le Parlement européen reproche également au groupe ID une série de dons à des associations sans rapport avec leur mandat à Bruxelles : stérilisation de chats errants, soutien à une paroisse, financement d’amicales de pompiers… Au total, plus de 700 000 euros auraient ainsi été versés à des structures locales, souvent liées à des proches d’élus RN ou à leur circonscription.
Cette distribution peu orthodoxe de fonds communautaires alimente les soupçons d’un usage clientéliste de l’argent européen à des fins électoralistes régionales.
Des justifications jugées peu convaincantes
Face à ces accusations, le RN nie en bloc tout détournement. Philip Claeys, ancien secrétaire général du groupe ID, assure que toutes les dépenses ont été dûment vérifiées et certifiées par le cabinet d’audit indépendant RSM Belgium. Il évoque des allégations « incorrectes » et des comptes « approuvés » par le bureau du Parlement.
Marine Le Pen, interrogée sur RTL, a botté en touche, déclarant ne pas être informée du dossier. Elle a dénoncé en retour « une guerre de tranchées » menée par le Parlement européen contre ses opposants, accusant l’institution de vouloir « chercher des noises en toutes circonstances ».
Une affaire au parfum de déjà-vu
Cette affaire rappelle de manière troublante le précédent judiciaire des assistants parlementaires du FN, dont le procès a mis en cause la structuration financière du parti. Plusieurs cadres historiques, dont Chatillon et Blanc, avaient déjà été condamnés dans l’affaire dite des « kits de campagne ». Le retour de leurs noms dans un dossier de malversations européennes réveille les critiques sur la pérennité de pratiques opaques au sein de l’appareil lepéniste.
Pour les adversaires du RN, l’affaire démontre une instrumentalisation cynique des fonds publics, précisément de ceux d’une Europe que le parti ne cesse de critiquer, mais dont il aurait profité sans retenue.
Une tempête politique à l’horizon ?
Alors que Jordan Bardella s’impose comme la figure montante du RN et que Marine Le Pen prépare en coulisses une quatrième candidature présidentielle, ce nouveau dossier pourrait fragiliser la stratégie de « respectabilité » du parti. Les questions de probité et de gestion des deniers publics, longtemps jugées secondaires par l’électorat, pourraient prendre une place centrale à l’approche de 2027.