Le Conseil d’État rejette un recours de la chaîne du groupe Canal+ contre une décision de l’Arcom
Le Conseil d’État a confirmé une décision lourde de sens pour le paysage médiatique français : la chaîne CNews devra bel et bien s’acquitter d’une amende de 50 000 euros infligée par l’Arcom. En cause, une séquence controversée sur l’insécurité qui, selon les magistrats, a manqué de rigueur et d’honnêteté journalistique.
La décision, rendue publique le 21 juillet 2025, rejette définitivement le recours déposé par la chaîne du groupe Canal+ contre l’amende administrative prononcée par l’Arcom le 17 janvier 2024. À l’origine de cette sanction : une émission diffusée le 26 septembre 2022 dans « Face à l’info », animée par Christine Kelly. Ce soir-là, le thème de l’insécurité, souvent abordé dans cette tranche d’antenne, était à nouveau sur la table, déclenché par un fait divers survenu à Nantes impliquant deux ressortissants soudanais.
Pour nourrir le débat, la présentatrice avait choisi de s’appuyer sur une enquête en ligne publiée par le site Numbéo, classant la France 27e sur 29 en matière de sécurité, derrière le Mexique. Un classement problématique, car fondé uniquement sur des opinions d’internautes non représentatifs, et sans aucune base scientifique reconnue.
Aucune précaution méthodologique n’a été prise à l’antenne pour contextualiser ces chiffres. Pire, la France y était décrite comme « plongeant en matière d’insécurité », renforçant une lecture anxiogène sans mise en garde ni débat contradictoire.
Une décision qui renforce le rôle de l’Arcom
Dans son analyse, le Conseil d’État souligne que l’Arcom était fondée à considérer que cette présentation manquait de rigueur. Le graphique utilisé, l’absence de réserves exprimées par les chroniqueurs, et l’exploitation sans nuance d’un contenu contestable ont justifié la sanction. Même si d’autres émissions de la chaîne avaient, à d’autres moments, relativisé ces mêmes données, cela n’efface en rien la gravité de la diffusion incriminée.
« L’obligation d’honnêteté et de rigueur dans le traitement de l’information », inscrite dans la convention liant la chaîne à l’Arcom, a été jugée enfreinte. Le Conseil d’État rappelle aussi que le pluralisme des points de vue est une exigence juridique, en particulier sur des sujets sensibles comme la sécurité publique.
La liberté d’expression ne justifie pas toutes les dérives
CNews avait tenté de plaider l’atteinte à la liberté d’expression, invoquant l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Une ligne de défense que le Conseil d’État a écartée, estimant que la sanction prononcée était proportionnée, et qu’elle ne constituait en rien une entrave à la libre expression éditoriale de la chaîne.
La haute juridiction rappelle ainsi que la liberté de la presse ne dispense pas les médias de respecter leurs engagements déontologiques, en particulier lorsqu’ils traitent de sujets de société hautement controversés.
Une jurisprudence qui fera date
Au-delà de l’amende, cette décision pourrait marquer un tournant dans les relations entre les chaînes d’information en continu et les autorités de régulation. En validant la position de l’Arcom, le Conseil d’État renforce l’idée que les médias ont une responsabilité particulière dans le traitement des faits, même lorsqu’il s’agit d’émissions d’opinion ou de débat.
La décision envoie également un message clair aux rédactions : s’appuyer sur des données biaisées sans mise en garde ni contrepoint n’est plus tolérable. Une exigence de probité qui, à l’heure de la défiance croissante envers les médias, s’inscrit dans une volonté plus large de rétablir la confiance du public.