L’arrivée de Shein en France fait trembler les marques
Une bataille commerciale et symbolique se joue autour des Galeries Lafayette : le groupe a annoncé son opposition ferme au projet d’implantation de Shein dans plusieurs magasins de province affiliés, désormais gérés par la Société des grands magasins (SGM).
Mercredi, les Galeries Lafayette ont annoncé refuser l’installation de la marque asiatique Shein dans cinq de leurs magasins affiliés : Angers, Dijon, Grenoble, Limoges et Reims, ainsi qu’au BHV Marais à Paris. Si ces établissements ne sont plus directement exploités par le groupe, ils demeurent liés contractuellement à lui par des conditions d’affiliation. Or, selon le communiqué publié, Shein ne correspond pas « au positionnement et aux valeurs » des Galeries Lafayette.
Des conditions contractuelles au cœur du litige
Les Galeries Lafayette insistent : les affiliés disposent d’une marge de manœuvre pour choisir les marques qu’ils distribuent, mais uniquement si celles-ci respectent l’image premium imposée par la maison-mère. Shein, acteur majeur de l’ultra fast fashion, est jugé incompatible avec cette exigence. Le groupe précise qu’il fera tout pour « empêcher la mise en œuvre » de ce partenariat, considérant que la décision de SGM constitue une violation des accords existants.
La défense du groupe SGM
De son côté, SGM, propriétaire du BHV Marais et de sept Galeries Lafayette en province depuis 2021, réaffirme la conformité du partenariat avec Shein aux conditions contractuelles en vigueur. L’entreprise, fondée par Frédéric et Maryline Merlin, assure maintenir un dialogue constant avec le groupe Galeries Lafayette afin de « lever ce malentendu ». Les avocats de Shein, de leur côté, affirment que rien dans les accords ne permet à la maison-mère d’interdire ce projet.
Shein, une marque sous le feu des critiques
Fondée en Chine en 2012 et désormais basée à Singapour, Shein s’est imposée en quelques années comme un géant mondial du prêt-à-porter en ligne. Son modèle repose sur une production massive, des prix ultra-compétitifs et une offre pléthorique renouvelée à un rythme effréné, séduisant une clientèle jeune et connectée. Mais l’entreprise est vivement critiquée : pollution environnementale, volumes colossaux de vêtements mis sur le marché, et soupçons de conditions de travail dégradantes dans ses chaînes d’approvisionnement, principalement en Chine.
Une bataille d’image et de stratégie
Derrière ce bras de fer juridique se cache une lutte d’image. Pour les Galeries Lafayette, symbole du commerce haut de gamme français, l’association avec Shein représenterait une contradiction flagrante. Pour SGM, l’arrivée de Shein pourrait en revanche dynamiser la fréquentation et diversifier l’offre commerciale dans ses établissements, au risque de brouiller l’identité premium héritée de l’enseigne.
Un conflit appelé à durer
Alors que la fast fashion divise de plus en plus le secteur de l’habillement, cette affaire illustre la confrontation entre deux visions du commerce : celle d’une enseigne historique française soucieuse de préserver son prestige, et celle d’une foncière commerciale misant sur l’attractivité immédiate d’une marque mondialisée. Les prochains mois diront si la justice devra trancher, ou si un compromis sera trouvé entre les deux camps.