Disparition de Thierry Ardisson : Pourquoi Christine Bravo n’ira-t-elle pas à ses obsèques ?
Alors que la disparition de Thierry Ardisson a suscité une pluie d’hommages, celui de Christine Bravo se distingue par sa sincérité brute, mêlant tendresse, souvenirs échevelés et blessures jamais totalement cicatrisées. Une lettre ouverte à un ami perdu, aux accents de fête, de trahison et d’adieux pudiques.
Le 14 juillet 2025, Thierry Ardisson s’éteint à 76 ans, des suites d’un cancer du foie. L’annonce provoque une onde de choc dans le monde de la télévision. Parmi les hommages les plus poignants, celui de Christine Bravo résonne avec une émotion particulière. Sur Instagram, l’ancienne animatrice a publié un long message teinté de nostalgie, replongeant dans les années où Ardisson n’était pas encore “l’homme en noir”, mais un publicitaire rêveur au cœur du Paris bouillonnant des années 80.
« Triste journée où un lointain passé heureux éclabousse de mélancolie l’éblouissante Balagne », écrit-elle depuis la Corse, où elle réside désormais. Elle évoque leurs débuts anonymes, alors qu’elle était journaliste au Matin et lui travaillait encore dans la pub. Des nuits interminables dans les bodegas, au milieu de Gainsbourg, Lacroix ou Roda-Gil, “rien que des cinglés iconoclastes et libres”.
Une relation faite de champagne et de fissures
Avec tendresse, Christine Bravo dépeint un Ardisson fantasque, drôle et généreux, capable de laisser une bouteille de champagne dans son frigo “au cas où”. Elle se souvient d’une chenille improvisée sur une plage lors du baptême de sa fille Clara, avec DJ Corti aux platines, version Bézu. Et d’un Thierry mystique, évoquant Dieu en compagnie de Mgr Di Falco… tout en fumant des joints. Une galerie de souvenirs qui fait rire autant qu’elle émeut.
Mais cette complicité s’est un jour fissurée. Christine Bravo l’évoque sans détour, mais sans amertume : le point de rupture, ce fut “Frou Frou”. Ardisson voulait lancer un journal dérivé de l’émission culte, dans une veine trash qu’elle refusait. Elle s’en est retirée, il l’en a exclue via une clause contractuelle. Une trahison que l’animatrice n’a jamais vraiment digérée.
Une phrase qui l’a hantée toute sa vie
Elle raconte avec lucidité la phrase que Thierry lui aurait lancée :
« C’est de ta faute si on n’est plus amis. Si tu m’avais fait moins confiance, tu aurais bétonné ton contrat et je n’aurais pas pu te trahir. »
Des mots qui l’ont “traumatisée à vie”, dit-elle. Non pas pour leur cruauté, mais pour leur cynisme froid… et leur véracité.
Christine Bravo n’a pas tenté de réécrire leur histoire commune à l’heure des adieux. Elle reconnaît les failles, mais choisit d’en faire le décor imparfait d’une relation marquante. “La suite, les embrouilles avec Ardisson, on s’en fout”, tranche-t-elle avec une élégante brutalité.
Une absence assumée, un adieu réinventé
Si Christine Bravo n’a pas assisté aux obsèques de Thierry Ardisson, ce n’est ni par colère ni par distance émotionnelle. Simplement, elle était en Corse, et selon ses propres mots, elle préfère se rendre sur sa tombe “régulièrement, pour lui raconter les piapias de la vie parisienne”, avec leur ami commun Philippe Thuillier. Une façon plus intime, plus sincère, d’honorer sa mémoire.
Elle a compris, avec ironie, que l’homme en noir avait souhaité être enterré loin du tumulte parisien : “Un des derniers paradoxes de ce grand Parisien.” Et dans ce geste, elle semble lire un ultime clin d’œil de celui qui maniait le contre-pied avec talent.
Une reconnaissance tendre pour Audrey et Béatrice
Dans son hommage, Christine Bravo a aussi eu une pensée émue pour Audrey Crespo-Mara, compagne de Thierry Ardisson jusqu’à la fin, qu’elle remercie pour avoir “ressuscité” l’homme qu’elle avait connu. Elle n’oublie pas non plus Béatrice, l’ancienne épouse discrète, “complice de toutes les épopées de jeunesse”, ni les enfants du couple, qu’elle a vus grandir.
Pour conclure, elle partage une madeleine sonore : le générique de l’émission Frou Frou, cette aventure commune qui fut à la fois leur sommet et leur point de rupture. Avec une simple dédicace : “Avec ma tendresse.”
Christine Bravo n’enterre pas un mythe, elle célèbre un homme dans toute sa complexité — lumineux, blessant, inspirant. Et dans son hommage, c’est un peu toute une époque qu’elle fait ressurgir, celle d’une télévision libre, excessive, vivante. À l’image de Thierry Ardisson lui-même.