Comme chaque été, les formations de gauche reprennent leur souffle militant avec leurs rassemblements traditionnels. Mais en cette rentrée 2025, une atmosphère nouvelle flotte sur les « Amfis » de La France insoumise : moins de ministres, plus d’isolement politique, et un besoin urgent de redéfinir le rapport aux autres forces du débat public.

Le coup d’envoi des rencontres estivales de la gauche a été donné ce jeudi 21 août, avec les écologistes, les communistes et La France insoumise (LFI). Du côté des socialistes, la rentrée est programmée la semaine suivante. Les « Amfis » de LFI, organisés à Châteauneuf-sur-Isère, marquent traditionnellement un moment fort de mobilisation et de débat. Mais cette année, un constat s’impose : aucun ministre n’a répondu présent.

Une rupture avec les éditions précédentes, où des personnalités gouvernementales comme Rachida Dati ou Marlène Schiappa venaient volontiers croiser le fer sur scène. En 2024, l’ambiance est tout autre. Des invitations ont bien été envoyées, notamment à Éric Lombard, ministre de l’Économie, pour un échange avec Éric Coquerel. Mais ce dernier a décliné l’invitation, préférant se rendre à la Fête de l’Humanité mi-septembre.

L’image d’un parti devenu infréquentable ?

Pourquoi ce désengagement soudain de l’exécutif vis-à-vis des insoumis ? Un conseiller du ministre de l’Économie évoque une atmosphère devenue délétère à l’Assemblée, où LFI « scléros[e] toutes discussions ». Dans les rangs macronistes, certains assument leur refus de venir, estimant que le mouvement fondé par Jean-Luc Mélenchon est devenu plus « sulfureux » depuis le 7 octobre, date symbolique en référence aux débats autour du conflit israélo-palestinien qui ont profondément clivé l’hémicycle.

Même au sein du parti, la situation est prise avec lucidité. Un député LFI admet que « c’est mal vu de venir chez nous », signe d’une marginalisation politique grandissante. Cette évolution illustre aussi le glissement progressif du mouvement vers une posture plus solitaire dans l’arène parlementaire, malgré des convergences ponctuelles sur certains dossiers.

Une stratégie de remplacement peu enthousiasmante

Face à ces absences de poids, LFI active un « plan B » pour ne pas laisser ses débats sans interlocuteurs extérieurs. L’idée : inviter des députés centristes ou issus de la majorité présidentielle, mais sensibles à certaines causes portées par les insoumis. C’est le cas de Violette Spillebout (Renaissance), engagée sur le scandale de Bétharram, ou encore de Sandrine Josso, connue pour son témoignage sur la soumission chimique.

Mais cette stratégie laisse un goût amer. « Ça manque de panache », lâche un militant insoumis, nostalgique des affrontements de haut niveau qui faisaient la saveur des anciennes éditions. Pour combler le vide, certains misent sur des figures médiatiques. C’est ainsi que Charles Consigny, éditorialiste sur RMC, a été convié à débattre avec Manuel Bompard le vendredi 22 août. Une manière d’attirer du public, à défaut de raviver le dialogue institutionnel.

Un isolement politique symptomatique

L’absence de ministres aux Amfis 2025 n’est pas qu’un simple détail logistique. Elle symbolise un climat politique durci, où les lignes de fracture sont plus tranchées que jamais. Pour La France insoumise, cette mise à l’écart fragilise une stratégie fondée sur le choc des idées et les confrontations publiques. Elle marque aussi la difficulté croissante à créer des passerelles avec d’autres sensibilités, même ponctuellement.

Dans ce contexte, le pari de LFI est clair : continuer à exister par la force de ses propositions, le soutien de ses militants et l’écho médiatique de ses figures les plus visibles. Mais l’enjeu est aussi celui de la normalisation : comment rester radical sans devenir inaudible ? Et surtout, comment convaincre qu’on peut gouverner quand plus personne ne veut débattre avec vous ?