Yanis, 17 ans, a mis fin à ses jours après la remise en liberté de son agresseur, ses parents veulent la création d’une loi
Yanis aurait eu 18 ans le 2 avril. Trois jours avant cette date symbolique, il a mis fin à ses jours, incapable de surmonter le traumatisme ravivé par la remise en liberté de son agresseur.
Derrière ce drame, ses parents dénoncent une faille intolérable du système judiciaire français. « Le jour où mon fils aurait dû fêter ses 18 ans, je suis allé choisir son cercueil. » Cette phrase, poignante, résume l’ampleur de la douleur qui frappe Farid et Delphine, les parents de Yanis. Leur fils, un adolescent de 17 ans, s’est donné la mort le 30 mars dernier, rongé par un mal-être profond ravivé par une décision judiciaire : la libération anticipée de l’homme qui l’avait agressé sexuellement en 2019, alors qu’il n’avait que 12 ans.
Le choc est d’autant plus brutal que l’agresseur, âgé de 58 ans, était un ancien voisin. Il est retourné vivre à seulement trois kilomètres du domicile familial, à Marignier, en Haute-Savoie. Une proximité insupportable, imposée sans avertissement clair de la justice, selon les dires des parents.
Une lettre d’adieu comme preuve irréfutable
Trois jours après l’annonce faite par son père, Yanis a mis fin à ses jours en absorbant des médicaments. Ses parents découvrent alors dans son téléphone une note glaçante, intitulée « Lettre de suicide version finale », où il précise sans ambiguïté : « La remise en liberté de mon agresseur est la première raison de mon geste. » Ce document, que Farid et Delphine considèrent comme une preuve irréfutable du lien entre le suicide de leur fils et cette libération, les pousse à prendre la parole publiquement.
« Personne ne peut le nier », martèle le père de famille, dont le chagrin se mêle à une indignation sourde. Pour eux, ce drame aurait pu être évité si la justice avait fait preuve de plus de rigueur et de considération à l’égard de leur fils.
Une absence de communication dénoncée
Le couple affirme n’avoir reçu aucune information officielle concernant la sortie de prison de l’agresseur. Ils disent avoir appris la nouvelle par d’autres biais, et non par une notification judiciaire. C’est Farid qui, confronté au silence des institutions, a décidé d’en parler lui-même à Yanis. « Je ne voulais pas qu’il tombe sur lui par hasard », explique-t-il. Mais cette annonce, brutale et inattendue, a plongé leur fils dans un abîme de détresse.
Pour les parents, il s’agit d’un manquement grave. Ils plaident aujourd’hui pour une réforme : une loi qui obligerait les autorités à informer systématiquement les familles des victimes d’agressions sexuelles lors de la libération de leur agresseur. Un mécanisme préventif qui, selon eux, aurait peut-être pu sauver leur fils.
Des mesures de suivi contestées
Contacté par plusieurs médias, dont BFMTV, le parquet assure avoir respecté les procédures. Un courrier aurait été envoyé en février 2025 pour informer la famille de l’aménagement de peine, ainsi que de l’interdiction faite à l’agresseur d’entrer en contact avec Yanis. Mais ce courrier, expédié par voie postale simple, ne serait jamais parvenu à destination.
Une erreur tragique aux conséquences irréversibles. D’autant que, malgré le placement sous bracelet électronique, l’homme vit toujours à quelques minutes de la maison familiale. Il fait également l’objet d’un suivi socio-judiciaire pendant quinze ans, comprenant des obligations de soins psychiatriques. En cas de non-respect, une peine de trois ans de prison pourrait être réactivée.
Une tragédie qui soulève une question d’intérêt public
Au-delà de l’émotion suscitée par le drame, l’affaire Yanis pose des questions profondes sur le fonctionnement de la justice en matière de crimes sexuels, notamment envers les mineurs. Peut-on permettre à un agresseur reconnu coupable de revenir vivre à proximité de sa victime ? La notification des familles par courrier simple suffit-elle à remplir les devoirs de l’État envers les victimes ?
Delphine et Farid, malgré la douleur, choisissent aujourd’hui de témoigner pour faire bouger les lignes. « Ce combat, c’est pour Yanis, mais aussi pour tous les autres enfants qui pourraient un jour vivre la même injustice. » Leur cri du cœur résonne comme un appel à la responsabilité collective, pour que plus jamais un adolescent ne se sente abandonné par le système censé le protéger.