« Vous êtes les alliés du cancer ! » : à l’Assemblée, une femme s’emporte après l’adoption de la loi Duplomb
Adoptée dans un climat électrique, la loi Duplomb sur le retour encadré des néonicotinoïdes fait scandale jusque dans les tribunes de l’Assemblée nationale. Une militante atteinte de cancer y a lancé un cri de colère qui résonne désormais bien au-delà de l’hémicycle.
Ce mardi, la proposition de loi du sénateur LR Laurent Duplomb a été adoptée par 316 voix contre 223. Ce texte controversé permet la réintroduction encadrée de l’acétamipride, un pesticide néonicotinoïde interdit en France mais autorisé dans d’autres pays de l’Union européenne jusqu’en 2033. La majorité présidentielle, renforcée par le soutien quasi total du Rassemblement national, a validé la mesure.
La gauche et les écologistes ont dénoncé un recul environnemental majeur. La députée Insoumise Aurélie Trouvé a rappelé que l’acétamipride est comparé par certains scientifiques au « nouveau chlordécone », pesticide longtemps utilisé aux Antilles et aujourd’hui au cœur d’un scandale sanitaire majeur. Pour elle, « cette loi est une régression environnementale grave ».
Un cri venu des tribunes : « Vous êtes les alliés du cancer ! »
Mais c’est dans les tribunes du public que la colère a éclaté au grand jour. Peu après le vote, une femme s’est levée et a crié : « Vous êtes les alliés du cancer ! Nous nous reverrons ! » Une interpellation directe, portée par Fleur Breteau, porte-parole du collectif « Cancer colère », elle-même atteinte d’un second cancer.
Invitée par le groupe écologiste, cette militante de 50 ans a expliqué à la sortie de l’Assemblée que le combat contre les pesticides est vital : « Le cancer est devenu une épidémie, notamment chez les jeunes. Les réponses doivent être politiques. » Selon elle, l’adoption de ce texte va à l’encontre de l’intérêt général et met en péril la santé publique au nom de logiques productivistes.
Le gouvernement assume, mais la contestation persiste
Annie Genevard, au nom du gouvernement, a déploré des « débats caricaturaux » et accusé l’opposition de fracturer le dialogue entre société et agriculteurs. Elle a pointé « une responsabilité funeste » portée par ceux qui, selon elle, ont refusé d’entendre les réalités du monde agricole.
Pourtant, même dans les rangs de la majorité présidentielle, les lignes ont bougé. Au sein du groupe Renaissance, 14 députés ont voté contre, tandis que d’autres se sont abstenus. Des voix discordantes se sont aussi élevées au MoDem et chez Horizons, signe d’un malaise croissant autour de cette loi.
Une bataille juridique en préparation
Les opposants à la loi Duplomb ne comptent pas en rester là. Plusieurs groupes parlementaires, dont les écologistes et la NUPES, ont annoncé le dépôt prochain d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Ils invoquent notamment la violation du principe de précaution et le non-respect du principe de non-régression environnementale, tous deux consacrés par la Charte de l’environnement.
Ce recours pourrait devenir un test juridique et politique majeur, à l’heure où les Français sont de plus en plus sensibles à la question des perturbateurs endocriniens, des cancers d’origine environnementale et de la santé publique.
En toile de fond, c’est une fracture de société qui s’exprime : celle entre une agriculture sous pression, un pouvoir tenté par des solutions à court terme, et une société civile de plus en plus mobilisée face à la menace environnementale.