Thomas Legrand et Patrick Cohen enregistrés à leur insu : une polémique qui fragilise l’audiovisuel public
Une vidéo volée, diffusée par un média d’extrême droite, a placé deux voix connues de France Inter sous les projecteurs. Enregistrés à leur insu alors qu’ils échangeaient avec des cadres socialistes, Thomas Legrand et Patrick Cohen se retrouvent au cœur d’une polémique qui relance les débats sur la neutralité de l’audiovisuel public.
Le 7 juillet dernier, Thomas Legrand et Patrick Cohen, deux figures emblématiques du journalisme radiophonique, prenaient un café dans le 7ᵉ arrondissement de Paris avec Luc Broussy, président du conseil national du Parti socialiste, et l’eurodéputé Pierre Jouvet. La rencontre, a posteriori banale pour les intéressés, avait pour but de discuter de la manière dont leurs éditoriaux jugés trop sévères envers le PS étaient perçus par ses cadres.
Mais un client du café, lecteur du magazine L’Incorrect, a enregistré partiellement la conversation à l’insu des protagonistes. Ces images ont ensuite été diffusées par ce média, prônant l’union des droites, provoquant une onde de choc dans le paysage politique et médiatique.
Un déchaînement médiatique et politique
Dès le 5 septembre, la vidéo s’est propagée comme une traînée de poudre : reprises en boucle sur les plateaux de CNews et d’Europe 1, relayées sur les réseaux sociaux, commentées dans Le Journal du Dimanche. L’affaire a rapidement dépassé la simple question de transparence pour devenir une mise en accusation de la neutralité du service public audiovisuel.
Marine Le Pen, saisissant l’occasion, a appelé ouvertement à la privatisation de Radio France et de France Télévisions. Pour elle, l’épisode illustre une proximité idéologique entre journalistes et responsables politiques de gauche, minant la confiance du public.
Les journalistes contre-attaquent
Face à l’ampleur de la polémique, Thomas Legrand a tenté de désamorcer la situation dans une tribune publiée par Libération le 7 septembre : « Oui, j’ai pris un café avec deux socialistes ». L’éditorialiste assume le rendez-vous, mais dénonce une tempête médiatique disproportionnée. Selon lui, la rencontre relevait d’un dialogue classique entre journalistes et responsables politiques, une pratique courante et même nécessaire à l’exercice du métier.
Patrick Cohen a tenu un discours similaire, rappelant que les deux socialistes avaient eux-mêmes sollicité l’échange afin de réagir aux critiques formulées dans leurs chroniques.
Un révélateur des tensions autour de l’audiovisuel public
Cette affaire dépasse largement le cas de deux journalistes. Elle cristallise les tensions persistantes autour du rôle, du financement et de l’indépendance des médias publics. Déjà fragilisés par des attaques récurrentes de la part de l’extrême droite et de certains responsables politiques, Radio France et France Télévisions voient à nouveau leur impartialité remise en question.
Pour certains observateurs, la diffusion d’une telle vidéo en dit plus sur les méthodes de ses auteurs que sur les pratiques des journalistes incriminés. Mais pour d’autres, elle alimente la perception d’un biais idéologique et fragilise davantage la légitimité des antennes publiques.
Un climat de défiance croissant
Au-delà de la polémique immédiate, l’épisode illustre la défiance croissante d’une partie de l’opinion vis-à-vis des médias traditionnels. Dans un contexte où les réseaux sociaux amplifient la moindre controverse, la frontière entre vie privée et sphère publique se brouille toujours davantage. Et chaque interaction entre journalistes et politiques devient potentiellement explosive.