Sébastien Chabal n’a « plus aucun souvenir » de ses matchs de rugby
Ses charges dévastatrices et sa chevelure mythique ont marqué une génération de passionnés de rugby.
Pourtant, Sébastien Chabal, figure emblématique du XV de France, avoue aujourd’hui ne garder aucun souvenir de sa carrière. Une déclaration saisissante, qui relance le débat sur les dangers des commotions cérébrales dans le sport professionnel.
Une mémoire effacée par les chocs
Dans une interview publiée le 9 avril sur la chaîne YouTube Legend, Sébastien Chabal a livré un témoignage aussi troublant que lucide. À 47 ans, celui que l’on surnommait « l’Homme des Cavernes » confie : « Je n’ai aucun souvenir d’une seule seconde d’un match de rugby que j’ai joué. » Une phrase lourde de conséquences, prononcée par un joueur qui a disputé 62 matchs avec l’équipe de France et évolué au plus haut niveau avec Bourgoin, le Racing 92 ou encore Sale, en Angleterre. Même les hymnes nationaux, moments forts des rencontres internationales, lui sont aujourd’hui inaccessibles : « Je ne me souviens pas d’une seule des 62 Marseillaises. »
Le poids du silence et l’absence de prise en charge
Chabal ne parle pas explicitement de « commotions », mais le sous-entendu est clair. Il n’a pas consulté de neurologue, estimant que cela ne servirait à rien. « Pour quoi faire ? La mémoire ne reviendra pas », lâche-t-il avec fatalisme. Plus troublant encore, il révèle avoir également oublié la naissance de sa propre fille, un événement généralement inoubliable pour un parent. Ces aveux brisent un tabou dans le milieu rugbystique, où les séquelles mentales des chocs répétés sont encore trop souvent minimisées.
Une action judiciaire qui prend de l’ampleur
L’ancien international français soutient implicitement les démarches collectives lancées par d’autres anciens joueurs, notamment au Royaume-Uni. * »On a pris un peu des ‘pets au casque' », reconnaît-il sobrement, évoquant les multiples impacts subis au cours de sa carrière. De nombreux anciens rugbymen, dont le Gallois Alix Popham et l’Anglais Steve Thompson, engagé dans une procédure judiciaire collective contre World Rugby et les fédérations anglaise et galloise, ont déjà dénoncé les conséquences dramatiques des commotions. Les deux hommes souffrent de démence précoce, directement liée aux traumatismes encaissés sur le terrain.
Un sport en pleine crise de conscience
À l’instar du football américain, du hockey sur glace ou des sports de combat, le rugby est confronté à une recrudescence inquiétante des commotions cérébrales. Ces traumatismes, parfois discrets sur le moment, peuvent provoquer à long terme des maladies neurodégénératives sévères, telles que la démence, la perte de mémoire ou même la perte totale d’autonomie. De nombreuses études médicales établissent aujourd’hui un lien direct entre ces chocs répétés et les pathologies cognitives observées chez les anciens athlètes.
En juin 2024, Bernard Le Roux, deuxième ligne du XV de France à 47 reprises, a mis un terme à sa carrière à seulement 35 ans, après 18 mois d’absence des terrains causés par des commotions. Son cas, comme celui de Chabal, illustre l’ampleur du problème dans les vestiaires professionnels. Le rugby, sport de contact par essence, semble devoir amorcer une mutation profonde pour protéger ses joueurs – y compris les plus robustes.
