Pourquoi le RN est si mal à l’aise avec l’instauration d’une taxe Zucman
Alors que la « taxe Zucman » domine les débats budgétaires, la gauche savoure une victoire idéologique : la taxation des très grandes fortunes s’impose dans l’agenda politique. Le Rassemblement national, tiraillé entre son électorat populaire et ses alliances implicites avec les élites économiques, peine à clarifier sa position et alimente une polémique croissante.
L’idée d’un impôt plancher pour les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros a placé le Rassemblement national (RN) dans une posture délicate. Invitée sur franceinfo le 9 septembre, la porte-parole du parti, Laure Lavalette, a rejeté le projet en dénonçant une logique « de gauche » qui assimilerait richesse et injustice sociale : « Moins de riches, ça ne fait pas moins de pauvres. » Cette formule traduit l’embarras d’une formation qui veut apparaître proche des ouvriers tout en évitant de braquer les milieux d’affaires.
Des divergences internes au RN
Jordan Bardella, sur RMC quelques jours plus tôt, estimait que les prévisions de Gabriel Zucman — 15 milliards d’euros de recettes annuelles — étaient « très largement au-dessus de la réalité ». Cette prudence agace certains cadres comme Jean-Philippe Tanguy, proche de Marine Le Pen et spécialiste des finances publiques : « Pourquoi changer des positions qui nous permettent d’atteindre 70 % chez les ouvriers pour ressembler à une droite qui y fait 1 % ? » rappelle-t-il dans L’Opinion. Déjà en février, lorsque les écologistes avaient soumis un texte similaire à l’Assemblée, le RN s’était massivement abstenu, signe de son inconfort stratégique.
Une stratégie floue pour ménager tous les camps
Face à l’insistance des journalistes, Marine Le Pen a tenté de désamorcer le débat en affirmant cibler « l’argent qui dort » via un impôt sur la fortune financière. Mais elle refuse que cet impôt touche les biens professionnels, ce qui, pour Zucman, revient à vider le dispositif de sa substance. Cette position rejoint celle défendue par Emmanuel Macron et son Premier ministre Sébastien Lecornu. Pour l’économiste, « le RN est sur la même longueur d’onde que la Macronie », un constat qui fragilise l’image anti-système du parti.
Une convergence embarrassante avec la Macronie
Lorsque, en février, le député macroniste Matthieu Lefèvre avait proposé un amendement excluant les biens professionnels de l’assiette fiscale, le RN avait voté avec le bloc central, confirmant une proximité idéologique inattendue. Jordan Bardella, en brandissant le spectre d’un exil fiscal, ne fait que reprendre les arguments du chef de l’État face à la syndicaliste Sophie Binet. Pour un mouvement qui se revendique premier opposant au macronisme, cette concordance affaiblit son discours de rupture.
L’opinion publique, un élément de pression supplémentaire
Le contexte est d’autant plus délicat que l’opinion soutient massivement la taxe Zucman : un sondage Ifop indique que 74 % des Français y sont favorables, dont 69 % des électeurs du RN. Cette adhésion populaire rend risquée toute opposition frontale et explique la prudence du parti à la flamme. Entre son électorat populaire, ses ambitions présidentielles et la nécessité de rassurer les investisseurs, le RN se retrouve à jouer un numéro d’équilibriste dont il n’est pas certain de sortir indemne.