Najat Vallaud-Belkacem dans le viseur du comité déontologique de la Cour des comptes
La controverse autour de Najat Vallaud-Belkacem, relancée ces derniers jours, révèle une tension croissante au sein de la Cour des comptes.

Entre devoir de réserve, engagements personnels et accusations politiques, l’équilibre semble désormais rompu. Le rappel à l’ordre initié par Pierre Moscovici marque un tournant inattendu dans cette affaire délicate.
Dès son arrivée à la Cour des comptes en juillet, l’ancienne ministre avait été accueillie par une salve d’accusations mêlant soupçons de favoritisme et attaques à caractère raciste. Malgré ce climat hostile, Pierre Moscovici – alors soutien affiché – avait défendu une procédure de recrutement transparente, estimant que la candidature de Najat Vallaud-Belkacem reposait sur un parcours solide et conforme aux exigences de l’institution. Cette défense visait à couper court aux critiques d’un parachutage politique qu’une partie de l’opinion relayait avec insistance.
Le cumul des mandats, première alerte

Lorsque Najat Vallaud-Belkacem avait annoncé vouloir conserver simultanément la présidence de France terre d’asile et son mandat régional en Auvergne-Rhône-Alpes, les interrogations s’étaient ravivées. À ce moment-là, Pierre Moscovici s’était montré conciliant tout en rappelant fermement les limites du devoir de réserve, soulignant que l’engagement politique restait possible mais devait demeurer compatible avec le fonctionnement de la Cour. Ses mots avaient alors valeur d’avertissement : la prudence devait guider chacune de ses interventions publiques afin d’éviter tout conflit entre ses fonctions institutionnelles et ses engagements militants.
Un changement de ton brutal

Ce mois de novembre marque une inflexion nette. Face aux prises de parole récentes de l’ancienne ministre sur l’immigration, Pierre Moscovici a saisi le comité de déontologie. Les déclarations jugées trop politiques seraient susceptibles de contrevenir aux règles strictes de neutralité imposées par la Cour, en particulier celles formulées dans une recommandation de 2023 rappelant les exigences renforcées applicables aux hauts magistrats. Ce geste montre une rupture dans la bienveillance initialement accordée. Le président de la Cour insiste d’ailleurs sur le caractère institutionnel de la démarche, distinct des courriers reçus de responsables politiques tels que Marine Le Pen ou Laurent Wauquiez.
Un plan migratoire qui attise les critiques
Le 7 novembre, France terre d’asile dévoilait son plan sur l’immigration, riche en propositions sensibles. Parmi elles, un calcul choc estimant que la régularisation de 250 000 travailleurs sans papiers rapporterait 2,9 milliards d’euros par an, a provoqué un vif débat. Dans un contexte d’examen budgétaire, ces projections ont été perçues comme malvenues, voire déstabilisantes. Najat Vallaud-Belkacem avait accompagné ce rapport d’une analyse tranchée, dénonçant le « double gâchis » de la politique migratoire actuelle, tant sur le plan humain que financier. Selon elle, une approche conjuguant fraternité et efficacité économique représenterait une voie plus cohérente pour le pays.
La Cour indique ne pas avoir été informée en amont de ces prises de position. Pour Pierre Moscovici, l’absence de concertation et la portée politique des déclarations créent un décalage difficilement acceptable pour une haute magistrate tenue à la plus stricte neutralité. Bien qu’il reconnaisse l’indépendance des engagements associatifs, il affirme que la déontologie demeure la même pour tous. Plusieurs mises en garde avaient d’ailleurs été adressées à l’ex-ministre dès son arrivée, rappelant que sa visibilité médiatique nécessitait un contrôle rigoureux de ses interventions publiques.






