Pour ses cinquante ans de carrière, Renaud ne publie pas un simple livre souvenir, mais une plongée bouleversante dans l’âme d’un homme cabossé. Avec « Renaud, le livre », sa fille Lolita Séchan signe, avec le journaliste Erwan L’Éléouet, un portrait sans filtre du chanteur le plus tendre et le plus tourmenté de la chanson française.

Longtemps discrète, Lolita Séchan a grandi dans le sillage d’un père adulé et d’un mythe souvent étouffant. Auteure de bandes dessinées et d’albums jeunesse, elle a toujours préféré la réserve à la surexposition médiatique. Mais les années, les épreuves et la fragilité de Renaud l’ont poussée à prendre un rôle nouveau : celui de pilier et de gardienne de sa mémoire.
Dans une interview au Parisien, elle confie avoir « pris la main », non pour façonner une légende, mais pour rétablir la vérité. “J’ai voulu mettre de l’ordre, nommer ce qui était négligé, redonner de la dignité à l’homme derrière l’icône”, explique-t-elle. Une manière d’exorciser le non-dit familial, de réparer l’image d’un père à la fois génial et fragile, souvent réduit à ses excès.

Entre testament et confession

L’ouvrage, à paraître le 10 octobre, n’est pas une biographie classique : c’est un dialogue à cœur ouvert entre un père et sa fille, entre l’artiste et l’homme. On y découvre des lettres inédites : à ses femmes, à ses amis de toujours – Coluche, François Mitterrand – et à Lolita elle-même.
“Le plus intime, pour moi, ce sont ces lettres. Il fallait les montrer pour comprendre sa sensibilité, sa complexité et sa blessure”, confie-t-elle. Le livre traverse la carrière de Renaud comme une épopée poétique et mélancolique, faite d’engagements, de fêlures et de tendresse. Ce n’est ni une hagiographie, ni un règlement de comptes : c’est un acte d’amour lucide, à la fois hommage et autopsie d’un cœur en désordre.

Un père libre, même dans ses excès

Certaines confidences frappent par leur dureté. Lolita évoque les périodes où l’entourage a songé à le placer sous tutelle, face à ses dérives et à sa santé vacillante. Mais la fille a toujours refusé : “C’est impensable de lui enlever sa liberté… même la liberté de se tuer.”
Aujourd’hui, Renaud a arrêté l’alcool et la cigarette, mais comble ce vide par d’autres dépendances : le sucre, la vapoteuse, une énergie nerveuse qu’il peine à canaliser. “Papa est extrême, il compense. Il a besoin de vibrer, de ressentir. C’est difficile à vivre. Comme tous les artistes, il est un peu vampirique : il prend autour de lui.”
Derrière cette phrase crue se dessine un homme hypersensible, prisonnier de ses émotions et de son besoin d’intensité. À travers ses mots, Lolita ne cherche pas à protéger son père, mais à le montrer dans sa vérité : un homme plein de contradictions, à la fois écorché et lumineux, coupable et aimant. “Renaud, le livre” raconte l’artiste des colères, des luttes sociales, mais aussi le père maladroit, le poète tremblant, le survivant d’une époque qu’il ne comprend plus toujours.