Jordan Bardella : les 133 300 € de fonds européens pour son media training font polémique
L’affaire secoue le paysage politique français : une enquête remet en cause la trajectoire soigneusement façonnée de Jordan Bardella, dont l’image policée et l’ascension rapide au sein du Rassemblement national cacherait un système de formation financé par l’argent européen. Au cœur du scandale : plus de 133 000 euros dépensés pour un media training contesté.
Jordan Bardella, devenu député européen en 2019 puis président du RN en 2022, s’est imposé comme l’un des nouveaux visages de l’extrême droite française. Mais selon Le Canard enchaîné, cette montée en puissance aurait été soutenue par des fonds du Parlement européen destinés non pas à son action d’eurodéputé, mais à des séances intensives de formation médiatique. Près de 133 300 euros auraient été versés à la société de Pascal Humeau, ancien présentateur télé, chargé de préparer Bardella et d’autres élus à leurs apparitions publiques. Un montant inhabituel, et surtout soumis à des règles d’attribution que l’hebdomadaire satirique estime bafouées.
Un appel d’offres taillé sur mesure
Le règlement du Parlement européen prévoit un appel d’offres formel dès que les dépenses dépassent 60 000 euros. Or, l’enquête affirme que le délai de candidature aurait été prolongé pour permettre à la société de Humeau de remporter le contrat, alors même qu’elle ne remplissait pas les critères requis, dont trois années d’ancienneté. Les documents consultés montrent par ailleurs que Bardella aurait multiplié les séances à partir de septembre 2021, moment où il assurait la présidence intérimaire du RN. L’usage de ces fonds divergerait des missions parlementaires, seules activités que Bruxelles est autorisée à financer.
Un coaching chargé d’ambiguïtés
Plus troublant encore, Pascal Humeau aurait lui-même qualifié Bardella de « coquille vide », selon des propos cités depuis plusieurs années. Dans Complément d’enquête, en janvier 2024, le coach expliquait avoir été sollicité pour façonner le jeune cadre du RN en « facho sympa », terme qu’il assume face caméra. Humeau décrit un travail long et méthodique pour rendre Bardella plus efficace dans les médias, sans évoquer à l’époque l’origine européenne du financement. Selon Le Canard, ces séances servaient principalement à préparer la communication du RN pour la campagne présidentielle de Marine Le Pen en 2022, une activité explicitement non finançable par les fonds européens.
Un contrat jugé opaque et potentiellement irrégulier
Le groupe Identité et Démocratie (ID), auquel appartient le RN au Parlement européen, aurait validé un appel d’offres décrit comme « bidon », conçu pour favoriser la société de Humeau. L’enquête suggère également que Bardella aurait lui-même recommandé le prestataire, soulevant un problème majeur de transparence et de conflit d’intérêts. Les tarifs appliqués interpellent : un media training classique se facture entre 1 500 et 3 000 euros la journée, ce qui laisse supposer un volume exceptionnel de séances pour atteindre les 133 300 euros facturés. Le caractère disproportionné de cette somme accentue les soupçons.
Un parti déjà affaibli par d’autres procédures judiciaires
Ces révélations surviennent dans un climat lourd pour le Rassemblement national. Le 31 mars, Marine Le Pen a été condamnée à quatre ans de prison dont deux avec sursis, assortis de 100 000 euros d’amende et de cinq ans d’inéligibilité, dans l’affaire des assistants parlementaires européens. Le tribunal estime que 2,9 millions d’euros auraient été détournés entre 2004 et 2016. Cette nouvelle affaire pourrait ainsi relancer les critiques sur la gestion des fonds européens par le parti.
Vers une enquête à Bruxelles ?
Plusieurs eurodéputés appellent déjà à une investigation formelle, tandis que l’OLAF, l’Office européen de lutte antifraude, pourrait être saisi. Les accusations fragilisent directement Bardella, qui incarne la rénovation du RN : l’image d’un leader formé grâce à des fonds européens pour servir une stratégie nationale jette une ombre sur sa légitimité. Pour un parti qui revendique une rigueur absolue dans l’utilisation de l’argent public, le choc est considérable.









