« Je ne l’ai pas reconnue », « On dirait une mémère » : les internautes s’en prennent au physique de cette actrice française, victime d’âgisme
Venue présenter son nouveau film au Festival de Cannes, Romane Bohringer n’a pas seulement foulé le tapis rouge : elle a aussi essuyé une tempête de commentaires sexistes et âgistes.
Une mise en lumière douloureuse, révélatrice d’un double standard persistant envers les femmes, surtout lorsqu’elles osent vieillir au naturel sous l’œil implacable du public. À 51 ans, Romane Bohringer continue de faire entendre une voix singulière dans le paysage cinématographique français. Son deuxième long-métrage, Dites-lui que je l’aime, présenté en séance spéciale à Cannes, est une adaptation du livre poignant de Clémentine Autain, dans lequel la femme politique revient sur le décès de sa mère. Un thème intime que la réalisatrice connaît trop bien, ayant elle aussi perdu sa mère très jeune. Les deux femmes ont partagé un moment de grâce sur le tapis rouge, main dans la main, devant les objectifs des photographes. Un instant symbolique, empreint de mémoire, de résilience et de sororité.
Mais alors qu’elle aurait dû recevoir les éloges pour la puissance émotionnelle de son œuvre, Romane Bohringer s’est retrouvée la cible d’un lynchage numérique d’une rare violence. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont ignoré son travail artistique pour s’attaquer à son physique : « Elle a pris cher », « On dirait une mémère », « Le coup de vieux », peut-on lire sous son interview accordée à Trois Couleurs. Des attaques cruelles, symptomatiques d’un sexisme ancré, où le vieillissement naturel des femmes devient un prétexte à l’humiliation publique.
L’âgisme ordinaire, ce poison invisible
Ces commentaires révèlent une constante dans le traitement médiatique des femmes : le culte de la jeunesse comme condition de légitimité. Vieillir en paix semble toujours être un privilège réservé aux hommes. Quand un acteur grisonne, il gagne en charisme. Quand une actrice se ride, elle devient « négligée ». Ce double standard est d’autant plus injuste qu’il invisibilise les parcours et les talents féminins, les réduisant à une image.
Heureusement, de nombreuses voix s’élèvent contre ce diktat silencieux. Sous les messages haineux, plusieurs internautes ont pris la défense de Romane Bohringer : « Juste une actrice qui vieillit sans chirurgie, c’est vrai qu’on n’a pas l’habitude », ou encore « Laissez chacun vieillir à sa façon. » Des réactions qui montrent un début de prise de conscience, mais aussi la persistance d’une pression normative écrasante.
Les actrices en lutte contre les injonctions esthétiques
Romane Bohringer n’est pas seule dans ce combat. Andie MacDowell, 67 ans, dénonçait en mars dernier dans Allure cette croyance toxique selon laquelle “les hommes vieillissent mieux que les femmes”, ajoutant que cette idée a été “inoculée et acceptée collectivement”. Même constat chez Kirsten Dunst, qui déplore un manque cruel de rôles pour les femmes de son âge depuis qu’elle est devenue mère.
En France, Adeline Blondieau a récemment rappelé l’absurdité de la pression esthétique qui pèse sur les femmes du métier. Sur Instagram, elle affirmait avec justesse : “Si mes rides gênent l’homme à mes côtés, c’est qu’il ne voit pas qui je suis.” Un message fort, porté par une génération de comédiennes qui refuse de céder à la dictature du paraître.
Vieillir à l’écran : un acte politique ?
Dans un monde où la jeunesse est encore l’étalon de la désirabilité féminine, apparaître publiquement avec ses rides, ses courbes, sans retouche ni filtre, devient presque un geste militant. Romane Bohringer, en se montrant telle qu’elle est, incarne une forme de liberté et de vérité. Une vérité qui dérange, car elle défie les normes dominantes de l’industrie du spectacle.