« Faire sans arrêt semblant », Camille Lacourt, Florent Manaudou et Yannick Noah sans filtre sur leur dépression
Briser le silence autour de la dépression, lever le voile sur les failles des champions, voilà l’objectif bouleversant du documentaire « Santé mentale, briser le tabou ».
Diffusé sur M6, il donne la parole à ceux qu’on pense invincibles. À travers leurs confidences crues, c’est tout un pan de souffrance enfouie qui émerge enfin au grand jour.
Produite par Amandine Chambelland et Peggy Olmi, cette œuvre percutante s’attaque de front à la stigmatisation de la souffrance psychique, encore trop souvent ignorée. Le film, qualifié « d’utilité publique », bouleverse par sa sincérité. Sur les écrans, des figures iconiques du sport français tombent le masque : Yannick Noah, Camille Lacourt, Florent Manaudou. Tous racontent leur chute, leur isolement, leur lutte contre la dépression. Un mal silencieux qui touche 3 millions de Français chaque année, et que 70 % d’entre eux préfèrent encore taire.
Yannick Noah : l’icône en proie aux ténèbres
Champion adulé, voix populaire, Yannick Noah incarne la réussite. Mais derrière les projecteurs, l’ombre grandit en silence. Le soir même de sa victoire à Roland-Garros, il est seul, vidé, au bord du gouffre. Il déambule à Paris avec l’idée d’en finir. « On pensait que je vivais ma meilleure vie, mais j’avais envie de me foutre en l’air », confie-t-il. Ce besoin irrépressible d’amour qu’il cherchait dans les applaudissements traduit une faille profonde, jamais vraiment refermée.
Florent Manaudou : le vide après la lumière
Après l’euphorie olympique, Florent Manaudou s’enfonce dans le silence, rongé par une culpabilité qu’il ne comprend pas. Pourquoi ce mal-être alors que tout semble lui sourire ? Il se cache, s’isole, car il n’ose pas montrer sa douleur. Pour lui, les sportifs sont censés être au-dessus de tout, ce qui rend l’aveu de faiblesse d’autant plus douloureux. Il accepte les anxiolytiques mais refuse les antidépresseurs, préférant « toucher le fond à sa façon », dans un témoignage sans détour.
Camille Lacourt : l’alcool comme anesthésiant émotionnel
Champion du monde en 2010, Camille Lacourt évoque sa descente aux enfers après les Jeux de 2012. Lorsque sa fille part chez sa mère, une semaine sur deux, il ressent un vide profond qu’il tente de combler par l’alcool. « Il fallait remplir ce creux dans le ventre », dit-il avec une franchise brute. Il parle de sa fille comme d’un point d’ancrage, une présence qui l’aide à tenir. Son combat ne passe ni par les médicaments ni par une thérapie classique, mais par un dialogue régulier avec des psychologues du sport.
Le poids de l’image pèse lourd. Camille Lacourt le décrit avec justesse : être le boute-en-train, celui qui fait rire, qui semble aller bien, alors qu’en réalité tout s’effondre à l’intérieur. Cette pression d’être fort, de ne jamais fléchir, conduit à une surcharge mentale étouffante. Il dénonce l’idée selon laquelle la dépression serait une faiblesse. « C’est faux. Je crois que ça n’arrive qu’aux gens forts », tranche-t-il. Une phrase puissante, qui résonne longtemps après l’avoir entendue.