« Bien sûr qu’on va augmenter les impôts ! » affirme Robert Ménard
Tour à tour provocateur, inquiet, nostalgique ou lucide, Robert Ménard a livré un entretien sans filtre face à Jean-Jacques Bourdin. Des impôts à la diplomatie, de l’union des droites à la fin de vie politique, le maire de Béziers brosse un tableau rugueux mais assumé de la société française et de ses contradictions.
Face à la flambée des dépenses publiques, notamment pour faire face aux conséquences de la canicule, Robert Ménard ne se fait aucune illusion : une hausse des impôts est inévitable. « Je vous mets ma main à couper », lâche-t-il, sûr de son diagnostic. Selon lui, l’annonce de 50 milliards d’euros pour l’adaptation climatique contredit frontalement les discours sur les économies budgétaires.
Il assume l’idée que certains contribuables aisés et grandes entreprises contribuent davantage, tout en soulignant un déséquilibre : « Les grosses boîtes savent faire de l’optimisation fiscale, elles paient moins que les petites. » Mais, martèle-t-il, la solution ne réside pas uniquement dans la fiscalité : « Les impôts ne doivent pas remplacer les économies. »
Diplomatie : soutien sans réserve aux efforts français
Ancien président de Reporters sans frontières, Ménard refuse de jeter la pierre à la diplomatie française, notamment dans les affaires d’otages. Concernant les deux journalistes détenus en Iran, il plaide pour la reconnaissance du travail de fond : « En 20 ans, je n’ai jamais vu un Français oublié. »
Il distingue la critique légitime de l’hostilité injustifiée : « Ce n’est pas à nous d’être diplomates. À nous de taper du poing sur la table. » Il appelle à une mobilisation citoyenne, tout en soulignant la responsabilité de l’État dans les tractations. La diplomatie française, estime-t-il, fait preuve de constance et de volonté, à la différence d’autres pays plus désinvoltes dans ce type de crise.
Sur l’Iran : un soutien assumé aux frappes
Robert Ménard n’hésite pas à choquer : il soutient ouvertement les frappes contre les installations nucléaires iraniennes. « Bombarder les sites d’enrichissement nucléaire ? Une bonne chose. J’ai applaudi quand certains dirigeants ont été éliminés. » Des propos qu’il reconnaît lui-même comme peu conformes au langage diplomatique… mais qu’il assume entièrement.
Il dénonce l’ambiguïté française sur la question iranienne, et regrette que les Occidentaux n’aient pas agi plus fermement : « Beaucoup d’opposants n’attendaient que ça : la chute du régime. » Pour lui, une stratégie floue a compromis la sécurité des otages et renforcé le sentiment d’abandon des dissidents.
Algérie : « Divorcer d’un régime toxique »
Robert Ménard propose une rupture franche avec le régime algérien, dénonçant ce qu’il perçoit comme une relation à sens unique. « Il faut divorcer, se séparer de l’Algérie », affirme-t-il sans détour. Il fustige une classe dirigeante algérienne qui « vit de la rente mémorielle et méprise la France tout en profitant de ses services ».
Il pointe l’inconstance de la politique française vis-à-vis d’Alger, et critique Emmanuel Macron pour ses déclarations contradictoires : « Un jour la repentance, un autre jour la fermeté. On ne peut pas construire une relation stable sur cette base. » Pour lui, seule une ligne claire permettra de sortir de décennies de crispations.
Union des droites : une nécessité selon Ménard
S’il a souvent tenté de rapprocher les droites françaises, Robert Ménard reconnaît l’échec de ces initiatives. « Depuis 15 ans, ça ne marche pas. Mais il le faut, sinon on perdra. » Pour lui, les divergences entre Les Républicains et le Rassemblement national sont désormais moindres par rapport à celles avec la majorité présidentielle.
Même s’il juge certaines positions économiques du RN “fantaisistes”, il appelle à dépasser les clivages idéologiques, au nom de l’efficacité politique. L’échec de 2022 reste pour lui un signal d’alarme : la division à droite mène systématiquement à la défaite.
Une France désorientée : « L’inquiétude est partout »
Robert Ménard dresse un constat sombre de l’état du pays : « Le climat politique est exaspérant et désespérant. » Il dénonce les annonces contradictoires, les promesses intenables et une classe politique qu’il juge coupée des réalités.
Mais il va plus loin. Il décrit un sentiment d’abandon chez les Français, une solitude diffuse, qu’il ressent dans son quotidien de maire : « Je reçois des demandes que je ne peux même pas traiter. Il y a un appel au secours. » Ce décalage entre les attentes des citoyens et la capacité d’action publique est, selon lui, le vrai nœud de la crise démocratique.
Traditions : « Qu’ils arrêtent de nous emmerder ! »
Interrogé sur les débats de société autour de la chasse, de la corrida ou des vachettes, Ménard se révolte contre une société qu’il juge hygiéniste. « Comment peut-on être assez con pour supprimer les vachettes à Intervilles ? » tonne-t-il. Il voit dans ces débats une attaque contre les traditions populaires, un rejet des ancrages culturels.
Il s’en prend à ceux qu’il appelle « les chieurs professionnels », ces militants qui voudraient, selon lui, imposer un mode de vie aseptisé. « La musique de bandas, c’est la plus belle musique du monde. Les autres, qu’ils aillent se faire foutre. » Pour Ménard, défendre ces traditions, c’est défendre un mode de vie enraciné.
L’expérience du terrain : une leçon d’humilité
Clôturant l’entretien, Robert Ménard revient sur son parcours. Lui qui a connu les zones de guerre en tant que journaliste, se dit profondément transformé par sa fonction de maire. « Être maire, c’est une vraie école de la vie. »
Il se dit souvent impuissant, mais jamais inutile : « Je ne change pas la vie des gens, mais je l’améliore un peu. » Et c’est peut-être là, selon lui, la vraie mesure de l’action politique : la modestie du concret face au grandiloquent. Un message simple, sincère, porté par un homme à la fois clivant et profondément ancré dans le réel.