La décision annoncée par le groupe Mulliez ce 25 novembre 2025 marque un tournant majeur dans l’histoire de la grande distribution française.

Après des années de fragilité, de restructurations et de concurrence féroce, Auchan choisit une voie radicale : confier l’exploitation de ses 300 supermarchés à Intermarché et Netto. Une mutation qui redessine entièrement le paysage du retail et ouvre une nouvelle ère pour l’enseigne nordiste.

Au fil des derniers mois, les signes d’un basculement profond se multipliaient. Dès septembre, Auchan avait engagé un plan de réduction de surfaces inédit : 50 000 m² supprimés en 2024, puis 100 000 m² supplémentaires chaque année jusqu’en 2027. Ces restructurations visaient à corriger un parc jugé trop vaste et coûteux, particulièrement fragilisé par la progression fulgurante des formats compacts tels que Lidl ou Aldi. La tentative de céder 19 magasins au discounter allemand Lidl avait déjà annoncé la couleur, révélant la volonté d’Auchan de rééquilibrer un réseau devenu difficilement rentable. La transformation annoncée fin novembre n’est donc pas un coup de tonnerre isolé, mais l’aboutissement d’une série de signaux faibles que beaucoup observaient déjà.

Un basculement historique : Intermarché et Netto prennent la main

La grande surprise est venue de l’ampleur de l’annonce. Tous les supermarchés Auchan de France métropolitaine (hors Corse) seront exploités par Intermarché ou Netto, probablement d’ici la fin 2026, sous réserve de validation par l’Autorité de la concurrence. Une décision qui équivaut, de fait, à un quasi-disparition de l’enseigne sur ce format.
Le groupe Mulliez conserve toutefois les murs, les fonds de commerce et les salariés. Seul le pilotage commercial bascule du côté des Mousquetaires, qui prennent la main sur l’approvisionnement, les concepts magasin et les politiques de prix. Pour Guillaume Darrasse, directeur général d’Auchan Retail, l’objectif est limpide : injecter immédiatement la compétitivité d’Intermarché dans des supermarchés en perte de vitesse, notamment grâce à des prix plus agressifs et une expertise reconnue du format.

Intermarché consolide sa puissance dans un marché en recomposition

Du côté des Mousquetaires, l’ambition est claire. Thierry Cotillard salue une opération « gagnant-gagnant », qui permet au groupement d’accroître fortement son maillage territorial après deux rachats majeurs ces dernières années. Avec ces 300 nouveaux magasins sous leur bannière, Intermarché et Netto renforcent leur statut de troisième force de la distribution, derrière Leclerc et Carrefour. Cette alliance s’inscrit dans un mouvement plus large, amorcé en 2024 avec la création d’une alliance d’achats de dix ans, déjà révélatrice d’un rapprochement stratégique solide entre les deux groupes.

Une restructuration profonde motivée par plusieurs échecs récents

Ce virage spectaculaire est également le reflet d’une série de difficultés accumulées par Auchan. La reprise risquée de près de cent magasins Casino s’est révélée coûteuse et décevante. L’enseigne n’a pas réussi à redresser ces sites fragilisés, aggravant une situation financière déjà tendue. À cela s’ajoutaient un plan social prévoyant 2 400 suppressions de postes — finalement suspendu par le tribunal administratif de Lille — et une concurrence de plus en plus rude sur les prix.
Dans ce contexte, transformer entièrement le modèle de gestion des supermarchés apparaissait comme la seule voie structurante, un moyen de préserver l’activité tout en limitant les pertes futures.