Figure majeure de la vie politique française du XXᵉ siècle, André Chandernagor s’est éteint à l’âge de 104 ans à son domicile d’Aubusson.

Député, ministre, président de la Cour des comptes et pilier de la Creuse, il laisse derrière lui une empreinte profonde façonnée par plus de six décennies d’engagement public. Né en 1921 à Civray, André Chandernagor était diplômé de l’École de la France d’outre-mer puis de l’ENA, promotion « Europe ». Issu d’une lignée marquée par l’histoire coloniale — descendant d’un esclave indien affranchi au XVIIIᵉ siècle — il portait une trajectoire familiale singulière, inscrite dans les pages les plus complexes de l’histoire française. Très tôt, il s’engage dans la vie publique et participe en 1958 au comité d’experts chargé de préparer la nouvelle Constitution, prélude à la Ve République.

Député influent et voix du socialisme réformateur

Entre 1958 et 1981, André Chandernagor représente à plusieurs reprises la Creuse à l’Assemblée nationale sous les étiquettes SFIO, FGDS puis PS. Anticommuniste déclaré, proche de Guy Mollet, il se distingue comme l’un des principaux porte-parole du groupe socialiste. Contrairement à d’autres figures de son parti, il reste longtemps hostile à l’union de la gauche, qu’il juge fragile, lui préférant une stratégie d’alliance avec les centristes. Cette position singulière contribue à façonner son image de parlementaire rigoureux et indépendant.

Ministre de Mitterrand et haut responsable de l’État

Après l’élection de François Mitterrand en 1981, André Chandernagor est nommé ministre délégué aux Affaires européennes dans les gouvernements Pierre Mauroy. Il participe alors aux premières années de la construction européenne sous l’ère socialiste, une période décisive pour les institutions communautaires. En 1983, il prend la tête de la Cour des comptes, qu’il préside jusqu’en 1990, marquant l’institution par son souci de rigueur et de transparence.

Un élu profondément ancré dans la Creuse

Parallèlement à ses responsabilités nationales, André Chandernagor a mené une intense carrière locale. Président du conseil général de la Creuse pendant dix ans, président du conseil régional du Limousin et maire de Mortroux durant trois décennies, il reste une figure tutélaire de ce territoire rural qu’il n’a jamais quitté. Sa longévité politique témoigne de la confiance durable que lui accordaient les habitants.

Une reconnaissance tardive mais éclatante

Auteur de plusieurs ouvrages, père de la romancière Françoise Chandernagor – membre de l’Académie Goncourt – et de Thierry Chandernagor, lui-même élu local, le défunt laisse une famille engagée dans la vie publique et culturelle. En janvier 2022, Emmanuel Macron l’avait élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur, la plus haute distinction française. En septembre 2023, un buste à son effigie avait été dévoilé à Aubusson en son honneur, ultime reconnaissance publique de son parcours exceptionnel.