Aller-retour de Bayrou en jet pour 27 minutes sur l’écologie: « Marre qu’on nous dise de faire des efforts »
À l’heure où les Français sont invités à changer leurs habitudes pour réduire leur empreinte carbone, le Premier ministre François Bayrou, lui, semble s’en affranchir. Un aller-retour express en jet privé entre Paris et Biarritz pour un discours de moins d’une demi-heure relance la polémique sur l’exemplarité écologique de la classe politique.
Ce jeudi 20 juin, François Bayrou s’est envolé depuis la base de Villacoublay à bord d’un jet privé Falcon 900 pour rejoindre Biarritz, où il était attendu aux Journées nationales de la géothermie. Un discours de 27 minutes, puis un retour immédiat par le même avion. Deux heures passées dans un appareil ultra-polluant, pour une intervention éclair… sur les énergies renouvelables. La scène a aussitôt fait réagir.
Du côté de Matignon, on tente de justifier : il s’agissait d’un « déplacement professionnel » auquel le Premier ministre « tenait », et le recours au jet était dicté par « des contraintes d’agenda », notamment la nécessité de revenir à Paris à temps pour le Conseil des ministres. Un argument qui peine à convaincre, surtout au regard du message que le gouvernement ne cesse de marteler à ses concitoyens : sobriété, exemplarité, efforts collectifs.
Car ce type de transport ne passe plus. Selon les données de l’ONG Transport & Environnement, un vol en jet privé émet entre 4,5 et 14 fois plus de CO₂ qu’un vol commercial équivalent, et jusqu’à 50 fois plus qu’un trajet en train. Un paradoxe insoutenable quand le sujet du déplacement est précisément la promotion des énergies renouvelables.
Sur le plateau des « Grandes Gueules » (RMC), la réaction a été cinglante. Antoine Diers, consultant politique, dénonce une erreur stratégique incompréhensible : « On pense que les politiques ne font plus cette erreur, et là, le Premier ministre tombe dans ce truc à la con ». Il fustige le double discours et le manque d’écoute : « Ça coûte beaucoup d’argent et c’est un très mauvais signal. Il faut qu’ils arrêtent d’être cons. »
Même indignation chez Didier Giraud, agriculteur et chroniqueur récurrent : « Il envoie un message désastreux. On nous demande des efforts tous les jours, et lui monte dans un Falcon pour une demi-heure de discours. C’est du mépris pur. » Pour lui, le déplacement aurait dû être annulé ou confié à un ministre délégué. « Il nous prend pour des buses », résume-t-il.
Joëlle Dago-Serry, coach de vie, renchérit : « Ils ont une politique incohérente qu’ils ne peuvent même pas incarner. » Elle estime que ce genre d’attitude nourrit directement le rejet du politique. « Tu ne peux pas parler de sobriété énergétique et te comporter comme si les règles ne s’appliquaient pas à toi. »
Ce n’est d’ailleurs pas une première pour François Bayrou. Tout juste nommé Premier ministre, il avait déjà été épinglé pour un autre aller-retour en jet vers Pau, afin de présider un conseil municipal en tant que maire. Une fonction qu’il a conservée malgré son passage à Matignon, suscitant déjà des critiques sur sa gestion des priorités et l’usage des moyens de l’État.
Ce nouvel épisode ne fait qu’alimenter un climat de défiance généralisée. À l’heure où les Français sont appelés à se serrer la ceinture — financièrement, énergétiquement et symboliquement — voir un dirigeant prôner la transition verte depuis un Falcon est devenu difficilement tolérable. Et même dans les rangs du gouvernement, certains commencent à s’inquiéter des retombées de ce type de dérapages en pleine crise de crédibilité politique.
En quelques heures, François Bayrou est passé d’orateur sur l’écologie à symbole d’une déconnexion profonde, celle d’un pouvoir qui exige des efforts sans toujours se les appliquer. Une image qui pourrait coûter cher, tant en capital politique qu’en légitimité.