À 64 ans, Yannick Noah critique ouvertement les Français après son passage à Roland-Garros
À 65 ans, Yannick Noah revient dans l’actualité non pour sa musique ni ses exploits passés, mais pour dénoncer à voix haute ce que beaucoup murmurent depuis des années : le tennis reste un monde fermé.
Dans un discours à la fois engagé et empreint de fierté, l’icône française livre une réflexion sans détour sur l’injustice, l’identité et la mémoire collective. Pour Yannick Noah, les choses sont claires : le tennis ne s’adresse qu’à ceux qui en ont les moyens. Lors d’un passage remarqué Porte d’Auteuil, l’ancien vainqueur de Roland-Garros n’a pas mâché ses mots. Selon lui, l’univers du tennis demeure inaccessible à de nombreux jeunes issus de milieux modestes, notamment en Afrique. « Regardez Joel Embiid », dit-il en référence à la star de la NBA, « il a commencé tard et a explosé. En tennis, c’est impossible. Le sport demande trop de ressources dès le départ. »
Une affirmation dure, mais étayée par les faits : entre le coût des équipements, des entraînements et des déplacements, la discipline décourage bon nombre de vocations. Yannick Noah regrette que peu d’initiatives soient prises pour casser ces barrières, bien que des progrès émergent timidement.
Une ouverture timide vers l’Afrique
Malgré cette critique acerbe, Noah n’est pas fataliste. Il salue ainsi la récente organisation d’un tournoi Challenger au Rwanda, un événement qu’il considère comme un tremplin vers une démocratisation progressive du tennis africain. Pour lui, ces initiatives doivent se multiplier afin d’encourager une nouvelle génération de champions venus du continent.
S’il admet que le chemin reste long, l’ancien joueur garde espoir. « Il faut planter des graines », résume-t-il. Et si la visibilité reste faible aujourd’hui, Noah croit en un futur où des talents locaux s’imposeront sur les courts du monde entier.
Une identité assumée, sans frontière
Né à Sedan d’un père camerounais et d’une mère française, Yannick Noah a toujours navigué entre deux mondes. Mais loin de le diviser, cette dualité l’a construit. « Je ne suis pas tiraillé », assure-t-il. « Je suis à la fois français, camerounais… et plus encore. » Un message fort à l’heure où les débats sur l’identité nationale restent brûlants.
Il va même plus loin : « Je suis originaire du monde. » Une phrase qui résume à elle seule son parcours, fait de voyages, de métissage et de rencontres. Sur les terrains comme dans ses chansons, cette richesse identitaire se traduit par une liberté de ton et un refus des carcans. Pour Noah, l’universalité est une réponse aux divisions qui gangrènent la société.
Une mémoire sportive qu’il estime bafouée
Quarante ans après sa victoire à Roland-Garros, Yannick Noah reste le dernier Français à avoir soulevé la mythique Coupe des Mousquetaires. Pourtant, il dit ressentir un malaise persistant quant à la reconnaissance de cet exploit. En 2022, il déplorait que le stade n’arbore quasiment aucune trace de son passage. « Une seule photo dans les couloirs, c’est ça l’héritage ? »
Si la Fédération Française de Tennis a fini par lui rendre hommage en 2023, Noah reste sur sa réserve. L’hommage est venu tard, et sans grande ferveur selon lui. Et d’ajouter avec une pointe d’ironie : « Ceux qui disaient ‘Noah, bof…’ doivent trouver ça cocasse qu’aucun autre Français n’ait gagné depuis. »
Une légende encore trop discrète
Au-delà de la réussite sportive, Yannick Noah incarne un symbole. Un champion venu d’ailleurs, qui a marqué l’histoire du sport français par sa singularité, son style et sa voix. Pourtant, il estime que cette légende n’a pas encore trouvé la place qu’elle mérite dans la mémoire collective.