Vers une démission? Bruno Retailleau refuse de défendre le vote à la proportionnelle voulu par François Bayrou
Le débat sur l’introduction de la proportionnelle aux élections législatives provoque des remous au sein du gouvernement.
Ce lundi 2 juin, Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur et président des Républicains, a publiquement affiché son refus catégorique de porter une réforme pourtant défendue par le Premier ministre François Bayrou. En jeu : l’équilibre institutionnel du pays… et l’avenir politique de la droite parlementaire. À l’issue d’un long entretien avec François Bayrou, Bruno Retailleau a tranché : il ne soutiendra pas le projet de réforme du mode de scrutin législatif. « Je ne porterai pas cette réforme », a-t-il affirmé avec fermeté, invoquant le risque d’ »impuissance publique » que ferait peser l’introduction d’un scrutin proportionnel. Pour le ministre, le morcellement parlementaire qu’impliquerait cette réforme serait source d’instabilité politique, voire d’ingouvernabilité.
« L’éparpillement auquel le mode de scrutin conduirait est profondément déstabilisant pour le pays », a-t-il insisté. Une position qui place Retailleau en opposition frontale avec François Bayrou, partisan d’une « proportionnelle intégrale par département », similaire à celle brièvement appliquée lors des législatives de 1986.
Une fracture politique entre alliés
Cette divergence majeure entre l’Intérieur et Matignon fragilise l’unité du gouvernement. Et Bruno Retailleau ne cache pas que la crise pourrait se durcir : « Toutes les options sont ouvertes », a-t-il glissé, laissant entendre que sa démission du ministère de l’Intérieur n’est pas exclue. Ce bras de fer engage aussi les chefs de file de la droite parlementaire, présents lors de la réunion : Laurent Wauquiez, Mathieu Darnaud et les dirigeants du groupe LR au Parlement.
Le bureau politique des Républicains a déjà affiché sa « ferme opposition » à cette réforme, qui, au-delà des principes démocratiques invoqués, représenterait une menace directe pour la survie électorale du parti.
Des enjeux électoraux lourds pour la droite
Derrière les principes, une réalité arithmétique dérangeante pèse dans l’équation. Selon les projections publiées par BFMTV.com, l’application de la proportionnelle avant les législatives de 2024 aurait fait passer le nombre de députés LR de 67 à seulement 22.
Ce constat explique l’hostilité frontale des Républicains, qui redoutent un affaiblissement irréversible de leur poids à l’Assemblée nationale. Face à un Rassemblement national galvanisé par les sondages et un centre pro-Bayrou renforcé, la proportionnelle risquerait de reléguer LR à un rôle de force d’appoint, sans pouvoir décisif.
Le lien au territoire, un marqueur revendiqué
Bruno Retailleau insiste aussi sur un autre enjeu : celui de la représentation territoriale. Il rappelle que la droite est attachée au lien entre un député, son territoire et ses administrés, que le scrutin uninominal garantit selon lui. À l’inverse, la proportionnelle, en décorrélant le vote de l’ancrage local, accentuerait selon lui la fracture entre la France rurale et la France urbaine.
Un argument à la fois électoral et symbolique, destiné à défendre la légitimité politique du député de terrain, enraciné dans sa circonscription, face à l’image plus désincarnée du parlementaire élu sur liste nationale ou départementale.
Une décision attendue à l’automne
De son côté, François Bayrou continue de mener des consultations auprès des partis politiques, espérant déposer un projet de loi à l’automne. Mais l’opposition ferme de Bruno Retailleau et de la droite pourrait sérieusement compliquer les calculs de la majorité.