Réforme des retraites : Bayrou propose une prime pour maintenir les seniors dans l’emploi
Alors que la question des retraites continue de diviser, François Bayrou relance le débat avec une proposition inédite : une « prime » pour inciter les seniors à poursuivre leur activité professionnelle, même après avoir acquis tous leurs droits. Une initiative jugée habile par certains, mais qui ne manquera pas de susciter des réactions contrastées parmi les syndicats et les économistes.
François Bayrou suggère de verser aux salariés seniors une part de leur pension tout en maintenant leur salaire s’ils choisissent de ne pas faire valoir leurs droits à la retraite immédiatement. Cette « prime au travail » reposerait donc sur un double versement — salaire + fraction de retraite — destinée à récompenser l’effort de prolongation d’activité.
« Je suis persuadé que tout le monde a à y gagner », a défendu le Haut-Commissaire au Plan lundi 16 juin, lors de son passage au salon du Bourget. L’enjeu : soulager les finances du système de retraite tout en revalorisant le rôle des travailleurs expérimentés. En conservant les seniors plus longtemps en poste, l’État pourrait retarder les versements complets de pensions et amortir le choc démographique annoncé.
Un calcul économique assumé
Selon Bayrou, l’avantage de ce mécanisme serait double : d’un côté une incitation financière pour les salariés, de l’autre une économie pour le système. En effet, en repoussant l’âge effectif de départ à la retraite, l’État réduit temporairement les versements tout en continuant à percevoir des cotisations. C’est ce qu’il qualifie d’« encouragement à l’activité », potentiellement vertueux à l’échelle macroéconomique.
Mais ce bonus ne serait versé qu’aux personnes ayant déjà tous leurs trimestres, ce qui limite mécaniquement son accès à une partie restreinte des seniors : les carrières longues ou sans interruption, souvent à l’opposé des parcours plus précaires ou hachés, principalement féminins.
Une idée encore à l’étude
Pour l’instant, François Bayrou présente cette initiative comme une « piste de réflexion » qu’il veut soumettre aux partenaires sociaux. Il assure que les syndicats et le patronat ont été approchés individuellement, et laisse même entendre qu’un délai supplémentaire pourrait être accordé pour discuter de la mesure au sein du « conclave » sur les retraites, dont la dernière session était prévue ce mardi.
« Le chemin d’un accord existe », affirme-t-il, en appelant à ne pas précipiter une réforme aussi cruciale. En cas de consensus autour de cette prime, cela pourrait nourrir une réforme moins frontale que le relèvement mécanique de l’âge légal, fortement contesté l’an dernier.
Entre incitation et inégalité ?
Cependant, cette proposition ne fait pas l’unanimité. Certains syndicats pourraient y voir une mesure inégalitaire, favorisant les seniors en bonne santé et aux carrières continues, au détriment des professions usantes ou des travailleurs aux parcours discontinus. De même, le financement concret de ce « double versement » reste flou : qui paiera la part de retraite partielle pendant que l’activité continue ? Les caisses ? L’État ? L’entreprise ?
Autre interrogation majeure : l’acceptabilité sociale. Après des mois de tension autour de la réforme des retraites, une mesure favorisant les actifs volontaires au détriment de ceux contraints de partir tôt pourrait raviver les crispations sociales, surtout dans les secteurs les plus exposés à la pénibilité.
Une manœuvre politique à double tranchant
Au-delà de l’aspect technique, François Bayrou semble vouloir incarner un espace de consensus là où l’exécutif a échoué l’an dernier. En relançant une piste de réforme « non punitive », il tente de repositionner le débat sur une base incitative plutôt que coercitive. Reste à savoir si cette approche pourra aboutir à un accord durable ou si elle ne constituera qu’un pansement de plus sur un système toujours aussi fracturé.