Un débat houleux sur le plateau de “L’Heure des Pros” a ravivé les tensions entre politique, médias et liberté d’expression. Alors qu’elle présentait son ouvrage sur CNews, Shannon Seban, élue Renaissance, a été violemment critiquée en direct, poussant le député Aymeric Caron à annoncer une saisine de l’Arcom pour ce qu’il dénonce comme un “déséquilibre manifeste” du débat.

Mardi 10 juin, Shannon Seban n’a pas eu droit à une tribune apaisée. Invitée sur CNews pour parler de son livre “Française, juive, et alors ?”, l’élue de Rosny-sous-Bois comptait évoquer ses combats contre l’antisémitisme et l’islamophobie. Mais sur le plateau de L’Heure des Pros, la séquence a rapidement dégénéré. Pascal Praud, animateur de l’émission, a frontalement attaqué l’ouvrage, le qualifiant de “bouillie intellectuelle” et de “méli-mélo de phrases creuses”, sans concession.

La discussion, qui aurait pu porter sur la lutte contre les discriminations ou l’engagement politique d’une jeune élue, a été parasitée par des attaques personnelles et un ton condescendant. Le traitement réservé à l’autrice a provoqué l’indignation de plusieurs observateurs politiques et médiatiques.

Aymeric Caron dénonce une dérive et saisit l’Arcom

Le député de Paris, Aymeric Caron, n’a pas tardé à réagir en annonçant une saisine de l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel. Sur le réseau social X (ex-Twitter), l’élu LFI a fustigé ce qu’il considère comme une séquence “à sens unique”, durant laquelle l’ensemble du plateau, y compris l’animateur, aurait pris fait et cause pour le Rassemblement national.

“Ils ont tenté d’humilier une invitée qui dénonce justement l’antisémitisme et l’islamophobie du RN”, a-t-il écrit, avant de souligner que CNews, chaîne d’information, se doit de respecter un équilibre des points de vue. À ses yeux, la séquence en question ne relevait ni du journalisme, ni du débat, mais d’un “plaidoyer partisan pro-RN”.

Un débat verrouillé autour des extrêmes politiques

Le ton du débat a rapidement glissé vers une opposition entre Rassemblement national et La France insoumise. Alors que Shannon Seban évoquait les dangers idéologiques de l’extrême droite, les chroniqueurs ont balayé ses arguments avec scepticisme. Le RN, pourtant classé “extrême droite” par le Conseil d’État en mars 2024, a été largement défendu par les intervenants. À l’inverse, la LFI a été violemment critiquée, réduisant le débat à une logique de camp, sans nuance ni ouverture.

Ce verrouillage du dialogue et l’absence de voix contradictoires sur le plateau soulèvent une nouvelle fois la question de l’orientation éditoriale de CNews, régulièrement accusée de glisser vers une ligne conservatrice radicale.

Une liberté d’expression sous tension

Cette affaire illustre les limites d’un certain débat télévisé qui frôle parfois l’intimidation. Si le pluralisme des opinions est essentiel dans une démocratie, il suppose aussi le respect des invités et l’écoute des arguments divergents. Dans le cas de Shannon Seban, c’est la légitimité même de son combat qui a été remise en question par un plateau majoritairement hostile.