«On se torche avec votre avis» : LFI critiquée pour avoir recadré Sébastien Delogu sur l’Algérie
En plein été politique tendu, un voyage individuel en Algérie rallume les tensions au sein de La France insoumise.
Le député marseillais Sébastien Delogu, connu pour son franc-parler et ses initiatives singulières, a été publiquement désavoué par sa propre formation. Son déplacement polémique, et son silence sur des sujets sensibles, mettent en lumière les fractures internes d’un mouvement qui peine à maintenir une ligne diplomatique cohérente. Sébastien Delogu s’est récemment rendu en Algérie pour ce qu’il a décrit comme un voyage personnel et symbolique, marqué par un recueillement familial à Oran et des échanges avec des députés algériens à Alger. Officiellement, l’élu LFI y est allé « pour porter un message de respect entre les peuples », insistant sur la nécessité d’un dialogue franco-algérien d’égal à égal, et d’un apaisement mémoriel.
Mais ses déclarations, notamment sur la chaîne algérienne ENTV, ont suscité la controverse. Décrivant un accueil « incroyable », il a salué « un peuple qui prend soin de moi », tout en taclant certains membres du gouvernement français, dont Bruno Retailleau, accusé « d’invectives incessantes ».
Un silence qui dérange
Mais c’est l’absence totale de mention des cas de Boualem Sansal et Christophe Gleizes qui a provoqué une onde de choc dans les cercles militants comme chez certains élus. Le premier, écrivain franco-algérien, a vu sa condamnation à cinq ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État » confirmée fin juin. Le second, journaliste pour So Foot, a écopé de sept ans pour apologie du terrorisme, après un simple séjour de reportage.
Aucune question, aucun mot de soutien n’a été prononcé par Delogu à la télévision algérienne, ni dans ses déclarations publiques. Une omission dénoncée par plusieurs observateurs comme un manquement grave à l’engagement de LFI en faveur des libertés fondamentales.
LFI prend ses distances
Face à la polémique, La France insoumise a rapidement publié un communiqué lapidaire sur X, précisant que « le député Sébastien Delogu s’est exprimé à titre personnel » et que « ses propos n’engagent ni le groupe parlementaire ni le mouvement ». Une manière claire de désolidariser l’organisation de cette initiative individuelle, tout en tentant de préserver une cohérence politique dans un contexte diplomatique délicat.
Éric Coquerel, autre député insoumis, a pris le contre-pied de son collègue, appelant publiquement à la libération de Christophe Gleizes et dénonçant une détention arbitraire. LFI a ensuite clarifié sa position via son compte officiel, soutenant à la fois Gleizes et Sansal, tout en rappelant l’importance des libertés d’expression et de la presse.
Une fracture dans la base militante
Mais ce recadrage n’a pas été unanimement salué. Sur les réseaux sociaux, de nombreux sympathisants de LFI se sont insurgés contre ce qu’ils perçoivent comme une reculade stratégique, voire une soumission à la « pensée dominante ». Certains internautes reprochent à la direction du mouvement d’abandonner l’un des leurs pour ne pas heurter une opinion médiatique hostile, fustigeant un manque de solidarité et d’“insoumission” réelle.
À l’inverse, d’autres voix pointent la naïveté diplomatique et le positionnement ambigu de Sébastien Delogu, qui aurait « cédé au charme de la réception algérienne » au détriment de principes fondamentaux. Le silence sur les emprisonnements récents en Algérie, dans un pays pourtant sévère envers les libertés publiques, est perçu comme un faux pas stratégique et moral.
Une affaire révélatrice des tensions autour de l’international chez LFI
Ce nouvel épisode illustre les tiraillements profonds de La France insoumise dès lors qu’il s’agit de relations internationales et de régimes autoritaires, notamment en Afrique du Nord ou au Proche-Orient. Partagé entre solidarité historique avec certains peuples et défense des droits humains universels, le mouvement se heurte régulièrement à ses propres contradictions.
Sébastien Delogu, déjà connu pour son admiration affichée pour Jean-Luc Mélenchon et ses prises de position iconoclastes, devient ici le symbole d’un courant plus émotionnel et moins diplomatique au sein de LFI, qui ne fait pas toujours consensus chez ses pairs.
Un épisode qui pourrait laisser des traces
Alors que La France insoumise tente de se structurer pour peser dans la recomposition politique de gauche, cet incident révèle des divergences de fond sur la ligne politique à adopter à l’international. Entre diplomatie parlementaire improvisée, réalités judiciaires étrangères et stratégies électorales, la gestion de l’affaire Delogu pourrait bien fragiliser encore un peu plus l’image d’un mouvement tiraillé entre radicalité assumée et crédibilité institutionnelle.