La réforme de l’audiovisuel public voulue par Rachida Dati rejetée d’emblée à l’Assemblée
Une déflagration politique a secoué l’Assemblée nationale ce 30 juin : la réforme de l’audiovisuel public portée par Rachida Dati a été brutalement stoppée net.
Une majorité inattendue de députés, gauche et Rassemblement national confondus, a voté une motion de rejet, infligeant un revers cinglant à la ministre de la culture. Ce rejet inattendu fait voler en éclats une réforme déjà largement contestée dans les couloirs comme dans la rue. Avec 94 voix pour et 38 contre, la motion de rejet déposée par la députée écologiste Cyrielle Chatelain a mis fin aux débats dès leur ouverture. Une procédure rare, utilisée ici comme un couperet pour écarter un texte jugé explosif. La réforme, pourtant annoncée comme un pilier du projet de transformation de l’État par Rachida Dati, visait à regrouper France Télévisions, Radio France et l’INA sous une entité unique : France Médias.
Mais seuls 132 députés ont pris part au vote, laissant planer un parfum de désengagement et de calcul politique. Dans les rangs clairsemés de la majorité, l’absence s’est révélée fatale. Le RN, en s’alliant à la gauche sur ce point précis, a fait basculer le rapport de force. Pour Philippe Ballard, député RN, ce soutien n’était qu’un moyen « d’écourter les débats stériles », accusant la gauche d’« obstruction permanente ».
Une réforme rejetée sur tous les fronts
Au sein même de la majorité, les voix critiques ne manquaient pas. Le MoDem, par exemple, affichait des « réticences » sur le texte, jugeant certaines dispositions trop floues ou mal ficelées. Erwan Balanant, député du groupe centriste, a dénoncé un « gâchis démocratique » et un « gâchis pour l’audiovisuel », laissant entendre que les désaccords allaient bien au-delà des clivages partisans.
À gauche, le rejet est total. Emmanuel Grégoire, député socialiste et probable rival de Dati à Paris en 2026, n’a pas mâché ses mots : « C’est un immense revers, et elle le mérite. » Un jugement que partagent de nombreux syndicats de l’audiovisuel public, en lutte depuis des semaines contre ce qu’ils considèrent comme une attaque frontale contre l’indépendance des médias.
Une mobilisation syndicale sans précédent
Radio France est en grève illimitée depuis jeudi dernier, dénonçant une réforme « extrêmement dangereuse ». France Télévisions et l’INA ont également rejoint la fronde dès ce lundi, en appelant à la mobilisation. Les syndicats s’alarment d’une concentration du pouvoir décisionnaire entre les mains d’un futur PDG de France Médias, craignant un affaiblissement du pluralisme et de l’autonomie rédactionnelle.
Pour Pierre Mouchel (SNRT CGT à France Télévisions), ce rejet est « un camouflet salutaire » et une opportunité de « tirer les leçons d’un projet bâclé et malhonnête ». Quant à Soraya Morvan-Smith (SNJ-CGT à France 24), elle voit dans ce vote « la preuve d’un rejet massif, y compris chez ceux qui devraient soutenir le gouvernement ».
Et maintenant ? Le Sénat en embuscade
Le gouvernement espérait faire de cette réforme un marqueur politique en vue de 2026. Le Premier ministre François Bayrou s’était personnellement engagé en faveur du texte. Mais désormais, le projet retourne au Sénat, où la droite pourrait le remodeler profondément — voire le vider de sa substance.
Le cabinet de Rachida Dati tente de relativiser la claque : « Ce n’est qu’une étape. Le texte ira plus vite au Sénat. » Mais le mal est fait. La ministre se retrouve politiquement isolée, alors même qu’elle devait incarner une figure forte du gouvernement dans la restructuration de la sphère publique.
Une ambition fragilisée
Derrière cette réforme, c’est aussi le destin politique de Rachida Dati qui se joue. Ancienne garde des sceaux revenue en grâce dans le gouvernement Attal, elle comptait imposer sa marque sur le paysage médiatique. Mais ce premier revers parlementaire fragilise sa stature. À moins d’un rétropédalage ou d’un compromis inattendu, le projet France Médias semble pour l’instant à l’arrêt.