« Ils vivent dans un état de tension nerveuse extrême » : la pression monte autour des octogénaires expulsés par leur fille adoptive
Dans une rue tranquille de Perpignan, un drame humain d’une rare violence émotionnelle se joue en silence.
Deux octogénaires risquent l’expulsion de la maison qu’ils ont financée, habitée depuis vingt ans, au nom d’un imbroglio juridique mêlant adoption, succession et abandon. Et cette tragédie soulève une question brutale : peut-on encore, en 2025, chasser les anciens de chez eux ? Depuis la fin du délai légal d’exécution de l’arrêt d’expulsion prononcé par la cour d’appel de Montpellier, l’étau se resserre autour d’Yves, 85 ans, et d’Annick, 87 ans, domiciliés rue Pierre Auriol à Perpignan. Le 14 juin, un nouveau courrier recommandé de la préfecture des Pyrénées-Orientales leur intime de quitter les lieux au plus vite, sous peine d’expulsion par la force publique. Un scénario d’une froideur administrative, qui ignore la fragilité extrême du couple, pourtant sans solution de repli.
Une procédure initiée par leur propre fille adoptive
À l’origine de cette procédure judiciaire, Valérie, la fille adoptée par les Jamois alors qu’elle n’avait que 4 ans, demande aujourd’hui la mise en vente du bien immobilier. En 2003, la maison avait été enregistrée à son nom, sans que soit précisé un droit d’usufruit au profit des parents adoptifs. Un oubli notarial lourd de conséquences, qui donne aujourd’hui à Valérie les pleins pouvoirs de propriétaire. Or, malgré leur implication affective et financière dans l’acquisition du bien, Yves et Annick sont juridiquement devenus « occupants sans droit ni titre ».
Une tension insupportable pour un couple épuisé
Annick ne quitte plus son lit médicalisé depuis trois ans, victime d’une maladie osseuse rare, tandis qu’Yves, malgré ses 85 ans, continue de veiller sur elle avec une inquiétude grandissante. « Ils vivent dans une tension nerveuse permanente », confie Dominique Chanteau, 49 ans, ancien enfant placé, recueilli par les Jamois. Il les décrit comme des personnes généreuses, ayant accueilli jusqu’à 29 enfants en difficulté au fil des décennies. Pour lui, « les laisser finir leur vie dans cette maison qu’ils ont payée est une question d’humanité, pas de droit ».
Un dispositif d’expulsion difficilement applicable
Du côté des autorités, la préfecture maintient sa ligne stricte, rappelant son obligation légale de faire exécuter la décision de justice. Pourtant, aucune solution concrète de relogement n’est aujourd’hui proposée au couple, et l’idée de voir Annick transportée sous escorte policière dans une ambulance réquisitionnée glace les témoins de l’affaire. « On ne va quand même pas laisser Annick sur un trottoir », s’indigne Me Jean Codognès, avocat du couple, qui envisage désormais d’attaquer Valérie pour ingratitude, un recours symbolique dans un conflit où la morale peine à trouver sa place.
Une onde de choc annoncée en cas d’expulsion brutale
Une enquête sociale est actuellement en cours, menée par Habitat et Humanisme et les services sociaux du département. Les conclusions, attendues dans les prochains jours, pourraient éclairer les marges d’action de l’administration. « Si l’expulsion se produit dans sa brutalité, cela risque de provoquer une onde de choc politique majeure », avertit Me Codognès, qui espère faire pression sur les autorités pour suspendre une procédure perçue comme moralement inacceptable par de nombreux citoyens.
Une fille adoptive silencieuse face à la tempête
Localisée au Mans, où elle exerce comme cartomancienne, Valérie n’a pas souhaité répondre aux sollicitations des journalistes. Son silence contraste avec la clameur de soutien que reçoivent les Jamois. « Elle ne peut pas ignorer ce qu’ils ont fait pour elle, l’amour qu’ils lui ont donné », insiste Dominique Chanteau, dont la voix tremble d’indignation. L’ingratitude, qu’elle soit légale ou non, résonne ici comme un mot terrible.
Une supplique de fin de vie
« Qu’on nous laisse finir notre vie ici, pas loin de l’hôpital. Après nous, ce sera une autre histoire », implore Yves. Une phrase simple, chargée de dignité, d’espoir et de désespoir mêlés. En 2025, dans un pays qui se dit protecteur de ses aînés, l’affaire des Jamois est devenue le miroir glaçant d’un système juridique et administratif capable de broyer ce que l’humanité devrait encore savoir préserver.