Alors que son procès pour agressions sexuelles présumées s’est tenu en mars dernier, Gérard Depardieu revient sous les projecteurs dans un film réalisé par Fanny Ardant. Une décision qui divise le monde du cinéma, entre fidélité artistique et accusations graves, à quelques jours du verdict attendu le 13 mai.

Depuis plusieurs semaines, Gérard Depardieu est en tournage au Portugal pour le long-métrage Elle regardait sans plus rien voir, réalisé par Fanny Ardant. L’acteur y tient le rôle principal, incarnant un personnage énigmatique, mi-magicien mi-fantôme, qui évolue sur une île mystérieuse aux côtés de deux femmes. Ce film, tourné sur l’archipel des Açores, marque son premier rôle depuis Les Volets verts en 2022, et surtout depuis les nombreuses accusations d’agressions sexuelles qui pèsent sur lui.

Une collaboration artistique qui perdure malgré les scandales

Fanny Ardant n’a jamais caché sa fidélité envers Gérard Depardieu. Les deux acteurs ont partagé de nombreuses affiches depuis La Femme d’à côté en 1981, jusqu’à Le Divan de Staline en 2016. Lors du procès de mars dernier, l’actrice s’était d’ailleurs portée à sa défense, assurant qu’elle n’avait « jamais vu de geste choquant » de sa part. « Il aime faire l’idiot, mais on peut toujours lui dire non », avait-elle déclaré, assumant son soutien malgré les critiques. Son choix de le diriger à nouveau aujourd’hui est donc une prise de position claire, qui suscite de vives réactions.

Des images de tournage qui relancent le débat

Le magazine Voici a dévoilé en exclusivité des clichés du tournage où l’on voit Depardieu en chemise blanche ou torse nu, entouré de l’équipe. Ces images ont ravivé la colère de certains, dénonçant un retour précipité et déplacé sur les plateaux de cinéma, alors même que le jugement n’a pas encore été rendu. L’affaire, très médiatisée, continue de diviser l’opinion publique et de bousculer les équilibres du monde artistique.

Une indignation portée par Charlotte Arnould

Parmi les voix les plus critiques figure Charlotte Arnould, comédienne qui accuse Gérard Depardieu de viol depuis 2018. Sur ses réseaux sociaux, elle a interpellé directement Fanny Ardant : « Je ne vous comprends pas », a-t-elle écrit, dénonçant l’« indécence » de cette décision, à peine quelques semaines après l’audience. « Qu’est-ce que cela représente pour vous ? À quel point vous vous sentez au-dessus de tout ça ? », a-t-elle ajouté, dans un message poignant qui a résonné au-delà des cercles militants.

Un malaise politique qui s’exprime au sommet de l’État

Le débat ne se limite pas aux milieux culturels. Aurore Bergé, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, a elle aussi exprimé son malaise sur RTL. « Fanny Ardant est libre de faire tourner qui elle veut, mais moi, je n’irai pas voir ce film », a-t-elle déclaré. La ministre a notamment évoqué les propos tenus par Depardieu dans le reportage de Complément d’enquête, affirmant : « Ses paroles à l’encontre des enfants, des mineurs, m’ont profondément révulsée ». Pour elle, cela suffit à écarter durablement l’acteur des écrans.

Le cinéma face à ses contradictions

Ce nouveau tournage relance un débat fondamental : peut-on continuer à travailler avec un artiste accusé de faits graves sans attendre la décision judiciaire ? Pour certains, la présomption d’innocence doit prévaloir. Pour d’autres, la responsabilité morale des artistes, réalisateurs et producteurs exige de faire preuve de retenue. Dans le cas de Depardieu, la figure du « monstre sacré » ne semble plus protéger indéfiniment.

Une fracture durable au sein du milieu artistique

Fanny Ardant apparaît aujourd’hui comme l’un des rares soutiens publics à Gérard Depardieu. Ce quatrième long-métrage qu’elle lui offre interroge la capacité du cinéma français à se remettre en question. Entre fidélité personnelle, attachement à l’art et urgence éthique, chaque décision devient un acte politique. Le jugement du 13 mai viendra peut-être clarifier la situation judiciaire. Mais sur le plan moral, les lignes sont d’ores et déjà irrémédiablement fracturées.