Gérald Darmanin propose de supprimer l’argent liquide
Et si la suppression progressive de l’argent liquide devenait un levier stratégique pour enrayer certaines pratiques illicites ?
C’est l’hypothèse avancée par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et ancien ministre de l’Action et des Comptes publics, qui mise sur la traçabilité des flux financiers pour restreindre les marges de manœuvre de certains réseaux informels.
Lors de son audition devant la commission d’enquête sénatoriale sur la délinquance financière, Gérald Darmanin a évoqué une piste « simple » mais structurante : réduire drastiquement l’usage de l’argent liquide. Selon lui, une part importante des activités illégales repose sur la circulation de billets non traçables. En supprimant ce vecteur, l’État rendrait plus difficile l’organisation de certains circuits souterrains.
« Supprimer l’argent liquide ne ferait pas tout disparaître, mais compliquerait sérieusement les choses », a-t-il insisté, rappelant que le caractère anonyme de ce mode de paiement facilite des pratiques qui échappent aux radars fiscaux et judiciaires.
Un outil de contrôle renforcé par la technologie
Le ministre a reconnu que cette mesure ne permettrait pas d’éliminer totalement certains réseaux informels. Toutefois, la traçabilité permise par les moyens de paiement numériques, y compris les cryptoactifs, représente à ses yeux une avancée. Une fois les flux financiers surveillables, les contrôles deviennent plus efficaces, aussi bien pour les autorités fiscales que pour les enquêteurs.
Darmanin soutient que la suppression des espèces réduirait significativement la possibilité d’organiser certains points de vente clandestins, en rendant chaque transaction visible ou enregistrée. Il évoque ainsi une transformation structurelle des moyens d’échange dans les zones sensibles.
Un attachement culturel à l’argent liquide
Mais ce projet heurte un autre pan de la réalité : l’attachement profond des Français à l’usage des espèces. Selon les données de la Banque de France, en 2024, 43 % des paiements sont encore effectués en liquide, malgré l’essor des cartes bancaires et des applications mobiles. Le paiement en espèces reste, par ailleurs, le seul que les commerçants ont l’obligation légale d’accepter, sauf exception.
Derrière cette préférence, on retrouve un enjeu de liberté individuelle et de confidentialité, que Gérald Darmanin reconnaît lui-même. Il a ainsi déclaré sur RTL qu’il était « réaliste » quant à l’impossibilité de mettre en œuvre cette mesure à court terme, en ajoutant qu’elle nécessiterait un dialogue approfondi avec les citoyens.
Une vision à long terme, entre pragmatisme et idéalisme
Le ministre ne cache pas que les conditions politiques actuelles ne permettent pas de mettre en œuvre une telle réforme sans résistance, ni que les enjeux sociétaux dépassent les simples considérations sécuritaires. Il s’agit d’une proposition de long terme, qui s’inscrirait dans un vaste chantier de modernisation des échanges économiques, mais aussi de redéfinition des libertés individuelles.
« L’argent liquide offre aussi des avantages », a-t-il concédé, en référence à la possibilité pour les citoyens d’échapper à une surveillance constante. La transition vers une société sans cash soulève ainsi une question d’équilibre : comment concilier l’efficacité des contrôles avec le respect de la vie privée ?