Avec la disparition de Philippe Labro, c’est une mémoire vivante de la culture, du journalisme et du cinéma français qui s’éteint. Infatigable touche-à-tout, ce passionné de l’Amérique et des mots a laissé une empreinte indélébile dans le paysage médiatique et intellectuel français.

Philippe Labro s’est éteint à l’âge de 88 ans, terrassé par un cancer. RTL, la station dont il fut le visage et l’âme pendant quinze ans, a salué la mémoire d’un homme ayant marqué « les grandes années » de la radio entre 1985 et 2000. « Il a porté RTL avec exigence et passion », a résumé Hervé Beroud, le directeur de l’information du groupe M6-RTL.

Mais la carrière de Philippe Labro ne se résume pas à la radio. Réalisateur, écrivain, scénariste, parolier… Labro a multiplié les casquettes avec une aisance rare. Parmi ses nombreuses collaborations marquantes : Johnny Hallyday, pour qui il a écrit notamment « Oh ! Ma jolie Sarah ».

L’Amérique comme terre d’inspiration

Né à Montauban en 1936, Labro s’envole dès ses 18 ans pour les États-Unis grâce à une bourse d’échange. Il étudie à l’université de Lexington en Virginie, une étape fondatrice qui façonnera son regard sur le monde. « Le pays d’Hemingway » l’a fasciné, et il n’aura de cesse de le raconter, de l’analyser, de le déconstruire.

Il devient ainsi le témoin privilégié de l’assassinat de Kennedy à Dallas en 1963, missionné par France Soir. Il affirma même avoir croisé Lee Harvey Oswald juste avant que celui-ci ne soit abattu. Sa passion américaine ne l’a jamais quitté, de ses critiques sur Trump à ses réflexions sur Kamala Harris, toujours lucide, souvent piquant.

L’écrivain derrière le journaliste

Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, Philippe Labro a obtenu le prix Interallié en 1986 pour L’Étudiant étranger. Il venait encore de publier un roman à l’automne 2024 : Deux gimlets sur la 5e avenue, chez Gallimard. Une plume à la fois accessible, sensible et profondément marquée par ses expériences de vie.

Ses livres ont souvent creusé la veine autobiographique, la nostalgie des jeunes années, et la quête d’identité, des thèmes chers à celui qui confiait ne pas savoir « ne rien faire ». Il disait poursuivre une soif inextinguible de reconnaissance, sans doute héritée d’un passé familial exigeant : un père conseiller juridique et une mère poétesse, tous deux reconnus Justes parmi les Nations.

Une œuvre à l’image d’un homme insatiable

Labro a aussi tourné sept longs-métrages, dans la lignée du polar à la française, et dirigé des géants du cinéma comme Jean-Paul Belmondo, Yves Montand ou encore Gérard Depardieu. Parmi ses films marquants : La Crime, L’Héritier, Rive droite, rive gauche… Autant d’œuvres ancrées dans leur époque, aux accents de Jean-Pierre Melville, son mentor.

Il a également cofondé la chaîne Direct 8 aux côtés de Vincent Bolloré, marquant de nouveau l’univers télévisuel. Jusqu’au bout, il aura œuvré pour tisser des ponts entre la France et les États-Unis, notamment au sein de la French-American Foundation, où il présidait le jury du Translation Prize depuis dix ans.