Un simple changement de geste pourrait bien révolutionner notre manière de sortir d’une voiture.

Loin d’être un caprice administratif, la fameuse “ouverture à la hollandaise” pourrait bientôt devenir obligatoire en France, dans le cadre d’un effort plus large pour assurer la sécurité des cyclistes en milieu urbain. Mais ce petit mouvement, à première vue anodin, fait déjà débat.

L’“ouverture à la hollandaise” consiste à utiliser la main opposée à la portière pour sortir de son véhicule. Concrètement, cela signifie que le conducteur ouvre sa portière avec la main droite (et non la gauche), et le passager avant avec la main gauche (et non la droite). Ce geste oblige à effectuer une légère rotation du torse, ce qui incite naturellement à tourner la tête et à vérifier la présence éventuelle d’un cycliste ou d’un piéton arrivant de l’arrière.

Ce petit réflexe, adopté de longue date aux Pays-Bas, n’a rien d’un gadget : il réduit drastiquement le risque de ce que l’on appelle les “dooring accidents” — ces accidents souvent graves provoqués par l’ouverture inattentive d’une portière sur la trajectoire d’un vélo.

Un rapport qui veut faire évoluer les pratiques

C’est dans un rapport remis récemment au ministère des Transports, et qui compile une quarantaine de propositions, que cette mesure a été mise en avant. Objectif : renforcer la cohabitation, parfois explosive, entre automobilistes et cyclistes, en ville notamment. Et l’ouverture à la hollandaise fait figure de levier accessible, économique et pédagogique.

Le projet va même plus loin : il envisage d’intégrer ce geste au barème du permis de conduire. Cela signifie que les candidats seraient désormais évalués sur leur capacité à sortir correctement du véhicule… en se protégeant, mais surtout en protégeant les autres.

Des soutiens enthousiastes… au nom de la sécurité

L’idée séduit plusieurs figures du débat public. Emmanuel Barbe, ancien délégué à la Sécurité routière, y voit un progrès simple à implémenter : “C’est un geste vérifiable, facile à enseigner et à transmettre, y compris dans la sphère familiale”, explique-t-il sur RMC. Même son de cloche du côté du journaliste Olivier Truchot : “Cela ne coûte rien et ça peut sauver des vies.”

Les défenseurs de la mesure y voient un levier de changement culturel, qui pourrait progressivement faire évoluer les comportements routiers. À l’instar du port de la ceinture ou du clignotant, le geste pourrait devenir un réflexe universel, enseigné dès l’apprentissage.

Des oppositions… souvent physiques

Mais tout le monde n’applaudit pas l’initiative. Certains dénoncent une forme de sur-réglementation, voire une intrusion dans des gestes du quotidien jugés trop personnels. La professeure d’histoire-géographie Barbara Lefebvre ironise sur le plateau des Grandes Gueules : “Je n’ai pas besoin de me faire une sciatique pour sortir de ma voiture.”

Le docteur Marty, lui, s’inquiète pour les publics fragiles : “Il faut penser aux personnes âgées, aux personnes en surpoids, pour qui cette torsion peut s’avérer difficile.” En somme, une technique qui se veut universelle pourrait, selon ses détracteurs, devenir une source d’inconfort, voire de douleur pour certains automobilistes.

Une idée encore à l’étude

Pour l’heure, rien n’est encore acté. Le rapport commandé le 15 octobre 2023 à la suite de la mort tragique de Paul Varry, cycliste percuté par une portière à Paris, est encore à l’étude au ministère des Transports. Si la mesure séduit par sa simplicité et son efficacité potentielle, sa mise en application dépendra d’une évaluation fine des avantages et des contraintes.

Et demain ?

Faut-il contraindre les automobilistes à revoir un geste qu’ils répètent machinalement depuis des années ? Peut-être. Car dans un contexte où les mobilités douces se développent, la sécurité des cyclistes devient une priorité urgente. Et parfois, ce sont les gestes les plus simples — ouvrir une portière différemment, lever les yeux, ralentir — qui sauvent des vies.