Elle avait retrouvé la lumière après une période d’ombres, grâce à lui. Ce 2 juin 2025, Anne Sinclair a annoncé avec une profonde tristesse la disparition de son époux, l’historien et académicien Pierre Nora, à l’âge de 93 ans. Une perte immense pour la sphère intellectuelle française, mais aussi pour une femme qui avait trouvé en lui un amour réparateur.

Pierre Nora fut l’un des grands penseurs français de la mémoire collective. Né à Paris le 17 novembre 1931, il débute sa carrière comme professeur d’histoire avant de se consacrer pleinement à l’édition. Son nom reste indissociable de la revue Le Débat, qu’il fonde en 1980 chez Gallimard, et de son œuvre monumentale Les Lieux de mémoire, qui a profondément influencé les sciences humaines. Membre de l’Académie française depuis 2001, il laisse derrière lui une bibliographie dense, une pensée rigoureuse, et une empreinte durable sur l’histoire contemporaine.

Une relation intime, loin des projecteurs

Mais au-delà de son œuvre intellectuelle, Pierre Nora fut aussi le compagnon d’Anne Sinclair, figure emblématique du journalisme français. Ensemble depuis les années 2010, après le tumulte de la séparation de la journaliste avec Dominique Strauss-Kahn, le couple avait choisi de vivre son amour à l’écart des projecteurs, avec discrétion et sérénité.

Dans une rare confidence accordée à Vanity Fair en 2017, Anne Sinclair évoquait cet amour retrouvé : « J’ai retrouvé depuis trois ans le bonheur auprès d’un homme ». Un homme qu’elle décrivait également en 2021 dans Quotidien comme « un homme de grande qualité, qui m’a fait énormément de bien ». Une affection profonde et mutuelle, forgée dans la maturité et la résilience.

Un amour comme refuge et reconstruction

Pierre Nora, de son côté, n’hésitait pas à confier combien cette relation l’avait lui aussi transformé. Dans les colonnes de Libération, il reconnaissait : « Je l’ai tirée de la dépression grave qui la menaçait. Elle m’a évité le pire. »* Tous deux, marqués par les épreuves, avaient su se reconstruire dans la tendresse et la complicité.

Avant de partager la vie d’Anne Sinclair, Pierre Nora avait vécu un autre grand amour avec Françoise Cachin, historienne de l’art, décédée en 2011. Il parlait encore d’elle avec émotion des années plus tard, signe de sa fidélité affective. Pourtant, l’amour avait fini par revenir dans sa vie, sous une autre forme, mais tout aussi intense. « Je suis heureux. Regardez la femme merveilleuse dont je partage la vie. »

Une disparition qui endeuille le monde de la culture

La mort de Pierre Nora marque la fin d’une époque, celle des grands intellectuels éditeurs, artisans du débat public éclairé. Il avait reçu de nombreuses distinctions – Grand officier de la Légion d’honneur, Commandeur des Arts et des Lettres – autant de reconnaissances pour une œuvre dense, exigeante, accessible à la fois aux chercheurs et au grand public. Son dernier ouvrage, Une étrange obstination, paru en 2022, témoignait encore de sa lucidité, de sa précision, et de sa capacité à interroger les failles de notre mémoire nationale.